Les effets du passage à l’heure d’hiver

Interview de Nathalie L.
Directrice Régionale Hauts-de-France – Association Prévention Routière

JDV : Quelles sont les vulnérabilités spécifiques à l’hiver et notamment sur les routes ? Est-ce que le changement d’heure a un impact ?


N.L. : Nous avons remarqué qu’en hiver, et principalement à partir du changement d’heure, une augmentation significative existe pour les accidents de la circulation notamment pour les piétons, les cyclistes plus vulnérables que les personnes en voiture.
Le nombre d’accidents dont sont victimes les piétons augmente de près de 50% entre 17h et 19h. C’est bien évidemment dû à la baisse de la luminosité en ville.

Les piétons oublient trop souvent qu’ils sont moins visibles quand il fait noir, ou alors, visibles au dernier moment… Habillés en noir, par exemple, même avec une voiture qui a allumé ses phares, même si la ville est éclairé, on ne voit pas le piéton. Nous insistons énormément dans nos recommandations que la première des recommandations est de se rendre visible.
Pour les enfants, nous recommandons de porter des vêtements ou de mettre sur les cartables des éléments réfléchissants. L’association a d’ailleurs fait distribuer des autocollants réfléchissants à coller sur ses affaires pour être vu la nuit.
Avec un autocollant ou un élément réfléchissant vous êtes vu à plus de 150, 200 mètres ! Être vu ça sauve des vies !

À vélo ou à trottinette, le gilet réfléchissant est obligatoire de nuit. Pour les piétons ça devrait l’être aussi.
Comme le disait Karl Lagerfeld dans une campagne publicitaire « C’est moche, ça va avec rien, mais ça sauve des vies », et c’est vrai !

JDV : Les cyclistes et piétons sont donc plus vulnérables ?

N.L. : Les cyclistes paient un très lourd tribu en cas d’accident, notamment avec les véhicules légers, les camions et les bus, parce qu’ils n’ont pas de carrosserie qui les protègent. On a vu qu’à cause de la COVID-19, les grandes villes comme Lille, ont élargi les pistes cyclables, mais on a encore beaucoup de travail à faire sur ce qui est des aménagements cyclables.
Je pense qu’il y a une réelle réflexion qui est encore à mener sur la place du vélo dans la ville, d’abord en terme d’infrastructures et en terme de comportements humains.
En Hollande, culturellement, on a l’habitude du vélo, ça fait partie de leurs réflexes de vérifier s’il y a un cycliste ou non sur la route. Nous en France, quand on est un cycliste en ville, il faut faire attention à tout ce qui nous entoure, les automobilistes ne font pas attention.
Quand vous êtes cycliste, vous avez tout intérêt à anticiper et à attendre pour savoir si la voiture va tourner ou pas, parce que souvent ce n’est pas la voiture qui fait attention au vélo.

On devrait tous apprendre à faire plus attention aux autres usagers.
C’est une question d’éducation, de sensibilisation au partage de la voirie qui doit être faite chez nous. On sait que dans les accidents de la circulation, 90% sont dûs principalement à des erreurs de comportements humains. Ce n’est pas un problème d’infrastructure, de matériel, c’est vraiment l’humain qui a été défaillant.

On a énormément de travail en tant qu’association à sensibiliser ! Il faudrait qu’on arrive à insister, dans les formations des automobilistes, conducteurs de bus ou autres, sur l’attention à porter aux autres véhicules en circulation sur les routes.

JDV : Quelles sont les autres causes qui aggravent nos vulnérabilités sur les routes ?

N.L. : On sait que par temps de pluie, la voiture ou la moto met plus de temps à s’arrêter, à freiner, l’adhérence est moins bonne, et encore moins lorsqu’il gèle ou qu’il y a de la neige. C’est une évidence. Mais ça, c’est pour tous les usagers de la route quels qu’ils soient. Ce n’est pas un risque plus grand pour un usager ou un autre. On sait qu’on doit adapter sa conduite aux conditions météorologiques, et en général les gens le font assez bien.

Il y a quelque chose de très intéressant, voir que ce n’est pas forcément quand il y a les pires conditions météorologiques qu’on a le plus grand nombre d’accidents en proportion. Qu’est-ce que vous faites quand il pleut très fort, quand il neige ? Vous allez rouler beaucoup plus doucement ! On adapte sa conduite.
On a remarqué que, lorsque les conditions sont très bonnes, très favorables, temps sec, grand soleil, une ligne droite, on a proportionnellement plus d’accidents. C’est contre-intuitif.

Les gens n’ont plus conscience du danger, ils ont l’impression qu’ils sont en sécurité, ça accélère, ça fait moins attention, ça regarde moins autour de soi.
Ce n’est pas pour rien qu’on a prouvé que les autoroutes qui sont les moins éclairées, sont les moins accidentogènes.

CONSEILS POUR LES PIÉTONS

JDV : Quels conseils de prévention pouvez-vous nous donner en tant que piéton en ville ?

N.L. : Se rendre visible ! Se rendre visible, c’est la meilleure chance que vous vous donnez. S’assurer de mettre quelque chose comme un brassard, un autocollant réfléchissant sur votre sac, des choses à accrocher à la cheville…
Le but, c’est d’avoir un petit élément qui va accrocher le regard des autres utilisateurs de la route, ce qui vous permettra d’être vu de beaucoup plus loin !

« Vous qui marchez dans la rue et surtout en hiver, s’il vous plaît, quand il ne fait pas clair, lâchez votre portable ! »

On a remarqué que beaucoup de personnes marchent en regardant leur smartphone, ça ne permet pas d’être concentré sur ce qui nous entoure. On ne compte plus les accidents où les piétons regardent une vidéo en marchant, ne font pas attention en traversant, ou marchent trop près du bord de la route.

On sait que certains bus ou camions qui tournent peuvent parfois prendre de la place, même sur le trottoir. Il faut être vigilant, savoir que lorsque l’on on est piéton, à vélo, à trottinette, les camions et les bus ont des angles mort très importants. Ils ne voient pas si vous êtes sur la droite ou la gauche. Il ne peut pas anticiper lorsqu’il tourne si vous allez avancer.
Si on fait attention, si on s’équipe pour être visible de loin, si on ne regarde pas son smartphone en marchant, si on reste concentré sur ce qu’on fait, et si on a conscience que sur la route on n’est pas seul et qu’il y a des règles à suivre, on met pas mal de chance de son côté.

Il y a aussi la question des casques audio, ils sont d’ailleurs interdits à vélo et à trottinette. En marchant, c’est aussi vrai, l’ouïe est l’un des sens qui nous met en éveil, mais ne soyons pas 100% confiant avec notre oreille, car on sait que les véhicules électriques ne font pas de bruit.

C’est tous ensemble qu’il faut faire attention, en tant que piéton, automobiliste, en tant qu’utilisateur de trottinette et de vélo… Je suis sûre que si tout le monde faisait attention à l’autre, on arriverait à vivre un petit mieux ensemble. C’est encore un petit peu compliqué de nos jours le partage apaisé de la voirie. On devrait en parler dès le plus jeune âge.

CONSEILS POUR LES AUTOMOBILISTES

JDV : Quels conseils de prévention pouvez-vous nous donner en tant qu’automobiliste ?

N.L. : Mon premier conseil : faites vérifier votre éclairage régulièrement ! On propose par exemple – et d’autres associations le font aussi – des réglages d’éclairage des véhicules. Parce que le défaut d’éclairage est ce qui guette le plus de personne en général. C’est vrai qu’il y a 15 ou 20 ans, on pouvait facilement changer une lampe soi-même, mais aujourd’hui, c’est de moins en moins évident sur les nouveaux véhicules.

En second conseil, il faut également vérifier l’état de ses pneus, faire en sorte que les pneus soient bien adaptés. On le rappelle souvent avant les départs en vacances d’été ou d’hiver. Dans le Nord, on est moins concerné par la neige, mais à compter du 1er novembre 2021, les pneus neige vont être obligatoires quand on va se rendre dans certains secteurs.

L’entretien de la voiture est primordial ! Les deux points à retenir sont donc l’éclairage et les pneus qui sont les deux premiers leviers sur lesquels nous pouvons agir facilement.

JDV : Comment accompagnez-vous les entreprises dans la prévention à la sécurité sur les routes ?

N.L. : On travaille souvent avec les entreprises à leur demande.
Soit pendant des semaines spécifiques, comme les semaines de la sécurité routière en mars, où à d’autres moments dans l’année, principalement dans leur plan de prévention.
Aujourd’hui, les entreprises sont très attentives et font très attention au bien-être de leurs salariés. N’oublions pas que la route est la première cause d’accidents du travail !
Beaucoup d’entreprises nous contactent pour intervenir lors d’ateliers sur : l’alcool, la vitesse, les distances de sécurité au volant, la fatigue au volant pour ceux qui roulent beaucoup, etc.

D’ailleurs, si les entreprises souhaitent nous contacter, nous avons un site internet : https://www.preventionroutiere.asso.fr/ 
et une carte interactive vers nos comités départementaux : 
https://www.preventionroutiere.asso.fr/agir-dans-votre-region/

Nous établissons des diagnostics en fonction des besoins de l’entreprise, de ses problématiques comme :
• Combien de salariés souhaitez-vous sensibiliser ?

• Les thématiques qui vous importent ?
• Est-ce que vous avez un problème chez vous de vitesse, d’alcool… ?
et en fonction de leurs réponses, on leur propose les ateliers adaptés.

JDV : En tant que Directrice Régionale Hauts-de-France de l’Association Prévention Routière, que souhaiteriez-vous passer comme message à nos lecteurs ?

N.L. : D’un point de vue personnel, la courtoisie au volant ! La perte du rapport à l’autre dans la conduite. Parce que le clignotant, par exemple, c’est vraiment le geste qui sert à prévenir les autres véhicules que l’on va tourner.
Après, plus généralement, je pense qu’il faudrait commencer très jeune, dès la maternelle, dès la primaire, à éduquer les gens au rapport à l’autre sur la route.

Dans un premier temps pour leur apprendre à être autonomes,
c’est-à-dire faire attention à tous les risques et les dangers que comporte la route
pour se déplacer en toute autonomie, et dans un deuxième temps, leur apprendre leur rapport à l’autre. C’est très important. On vient à la rencontre des élèves de primaire, on leur installe une piste.

On leur apprend à se déplacer à vélo, en faisant attention en premier lieu la maniabilité du vélo, parce qu’on se rend compte que de moins en moins d’enfants savent utiliser un vélo en primaire. D’ailleurs plus en ville qu’en campagne. Mais on leur apprend aussi les panneaux de circulation.
L’idée, c’est de leur apprendre les rudiments, la priorité à droite, le stop, les panneaux d’obligations, d’interdiction…

On souhaite rendre un enfant autonome sur la chaussée à 12 ans, à son entrée
au collège. Un super dispositif à été mis en place sur le sujet qui est « Savoir rouler à vélo » :
https://sports.gouv.fr/savoir-rouler-a-velo/