LA NOUVELLE GÉNÉRATION DE TRAVAIL 
Regard sur le contexte actuel.

Interview Juliette C. Médecin du travail

JDV : Parce que l’Humain est Capital… Faire de chaque job un Job de Vie au service de la vie. Est-ce qu’on y est prêt dans les entreprises ?

J : Le monde des entreprises évolue très lentement ! Il n’y pas de dynamique forte de changement pour l’instant. Et pas assez de changements ! On reste encore sur une logique de productivité même si une prise de conscience est là et que l’on voit quelques actions qui vont dans ce sens. Les salariés sont d’ailleurs surpris quand un employeur prend en compte l’humain et met en place des programmes ou des projets. Avec un effet bénéfique immédiat car c’est apprécié des équipes !

JDV : Que change l’utilisation massive des technologies ?

J : Plus les technologies de la communication se développent et plus j’observe de la solitude et un sentiment d’isolement. C’est un paradoxe qui grandit ! Ces technologies qui doivent nous permettre de communiquer plus entre nous accentuent au contraire le sentiment d’être coupé et déconnecté des autres. Parce qu’au final on est seul face à son écran. On remplace un moment d’échange par un mail.

 

Nous devons maintenir la communication au sein des entreprises. Et je parle bien de communication physique. De communication humaine. Les connexions numériques ne remplacent pas la relation humaine dont nous avons tous besoin.

 

Il n’est pas rare de constater que certains peuvent arriver le matin au bureau, dire bonjour vite fait, s’installer à leur bureau, ouvrir d’abord leur ordi, lire leurs mails et enclencher avec leur travail sans avoir d’échanges, ou en ayant très peu d’échanges, jusqu’en fin de journée.

JDV : Justement, des entreprises recréent des open space pour développer le collectif et les interactions…

J : Les open space ne facilitent pas les échanges. Ils génèrent en plus des problèmes de concentration et une fatigue nerveuse importante. Certains échanges demandent du calme, un retrait. L’open space prive de moments d’intimité nécessaires à l’équilibre de chacun.

JDV : Est-ce que les transformations du travail nous impactent tous de la même manière ?

J : Les changements sont difficiles pour tous ! Mais nous ne sommes pas égaux dans notre capacité à y aller. Les nouvelles générations se montrent plus mobiles, dans le rebond et dans l’envie d’y aller ! Les plus anciens ont souvent le sentiment que les changements en cours font plus ressortir leurs limites. Parmi les anciens, ceux qui n’ont pas eu de parcours scolaire long et sont allés vers des métiers manuels rencontrent plus de difficultés de reclassement. Il faudrait pouvoir les accompagner davantage.

JDV : Ressentez-vous les effets de la robotisation et de l’automatisation ?

J : L’arrivée de la robotisation ou de l’automatisation se perçoit mais elle n’a pas encore d’impact sur l’effectif humain. Nous sommes au contraire dans une phase où les salariés accompagnent la mise en place de nouveaux moyens, de nouvelles machines, et par contre on voit plutôt une augmentation de la charge de travail. Ce qui induit une montée du stress. Nous ressentons la phase de transition que nous sommes en train de vivre dans les entreprises et le monde du travail et le coût humain est important actuellement.

JDV : Quels sont les enjeux de cette transition et de cette transformation du travail ?

J : Tout d’abord il va y avoir un enjeu sur la capacité pour les entreprises à mailler vie pro et vie perso. Nous constatons par exemple que le nombre de familles recomposées ne cesse d’augmenter. Ce qui invite à revisiter l’organisation du travail pour plus de flexibilité et d’agilité dans les horaires. Sur cette nouvelle organisation, c’est aussi les cultures et les mentalités qu’il va falloir faire évoluer. Expliquer et comprendre que ça n’est pas forcément en étant « collé » derrière son bureau qu’on est le plus efficient. Le travail peut aussi se faire dans d’autres conditions. Chez soi, en télétravail, en extérieur en sortant des grilles horaires traditionnelles.

Autre enjeu majeur : je constate que nous souhaitons prolonger nos engagements sociétaux dans notre vie pro. Nous nous engageons dans de nouveaux modes de vie, très souvent pour des raisons environnementales et il apparaît de plus en plus difficile de maintenir des barrières entre ses engagements dans sa vie et son implication dans son travail.

 

On a besoin de sens dans sa vie comme dans son travail

 

C’est un souhait et une envie que j’observe de plus en plus dans les rencontres, les échanges, les visites que je réalise. Il y a de plus en plus de gens qui ont des idées, qui développent des projets, qui agissent. Les employeurs et dirigeants vont devoir s’engager aussi pour soutenir ces actions et participer à ce qui donne du sens.

JDV : Est-ce qu’au sein de PÔLE SANTÉ TRAVAIL ce type de projets, d’actions ou de démarches ont été lancés ?

J : Pas encore suffisamment mais nous sommes en route avec le projet Job de Vie ! J’aimerais qu’on soit encore plus exemplaire sur les engagements écologiques. Au quotidien, chez moi et en famille nous nous challengeons pour diminuer les déchets et notamment le plastique. J’aimerais que mon action personnelle puisse se prolonger sur mon lieu de travail.

Mais on va plus vite dans le monde et la société que dans les entreprises. Il nous faut changer nos cultures. Répondre aux aspirations des nouvelles générations. Nous pouvons accompagner les transformations du monde du travail en nous ouvrant à de nouvelles alternatives.

Développer le bien-être des travailleurs par exemple en nous ouvrant au sport, à la méditation, au yoga… Trouver des temps pour se ressourcer, pour marquer une pause. Chacun pouvant choisir son activité de détente, de lâcher prise en fonction de ses préférences. Ces alternatives sont bénéfiques aux travailleurs. Nous pouvons d’ailleurs observer une baisse du nombre des accidents du travail lorsqu’elles sont mises en place. Ça doit faire partie intégrante de la culture de prévention !

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