Une prise en charge accessible à tous.tes !

Rencontre avec Didier LAMOTTE, Directeur de l’Hôpital de Jour Psypro LILLE

JDV : Pouvez-vous nous parler de la structure Psypro de Lille ?

D.L. : Psypro Lille fait partie du réseau des centres Psypro du groupe YKOE. C’est un groupe d’établissements à but lucratif fondé par, entre autre, deux médecins psychiatres. Le 1er Psypro a été créé à Lyon en 2019 et il en existe aujourd’hui plusieurs, à Reims, Metz, Grenoble et Lille. Psypro offre une nouvelle approche de la santé mentale et de la prise en charge des psychopathologies du travail.
Nous ne faisons pas de la prévention primaire mais tertiaire. L’un des objectifs premiers du parcours de prise en charge avec le retour à une activité professionnelle, est d’éviter les rechutes.
Pendant presqu’un an, notre mission est d’armer nos patients d’outils de réflexion, d’outils pour mieux dormir, mieux respirer… Nous les accompagnons afin qu’ils soient mieux armés face à leurs difficultés et afin d’éviter l’aggravation de leur état de santé.

Chaque établissement a son propre projet médical. L’approche thérapeutique retenue repose sur des programmes de soins intégratifs et multidimensionnels conjuguant approches individuelles (psycho thérapies, psycho éducation…), et approches groupales (ateliers psycho artistiques, groupe de parole, éducation physique adaptée…).

JDV : Quels types de profils retrouvez-vous chez vos patients ?

D.L. : Depuis notre ouverture sur Lille en avril 2022, nous avons constaté une évolution dans les profils de nos patients. Au départ, nous prenions principalement en charge des patients qui étaient en arrêt de travail depuis 12 à 18 mois. Récemment, nous avons effectué des prises en charge de patients qui n’étaient en arrêt que depuis un mois ou en mi-temps thérapeutique.

La moyenne d’âge est de 44 ans mais nous avons également des patients qui se trouvaient déjà en situation de burn-out au sortir de leurs études, dès leur première année dans le monde du travail.

Nous avons une proportion plus importante de femmes, qui représentent environ deux tiers de nos patients. Sans tomber dans la généralisation, nous observons que les femmes sont naturellement et plus spontanément susceptibles de se prendre en main lorsqu’elles rencontrent des difficultés.

Le point commun que l’on retrouve chez nos patients, c’est le perfectionnisme, aussi bien dans leur vie professionnelle, que dans leur vie privée. Nous travaillons donc avec eux sur le lâcher-prise et le prendre soin de soi dans un premier temps.

Nous avons des groupes de patients très hétérogènes issus de tous types de catégories socio-professionnelles.

L’objectif de notre projet médical, à travers le parcours de soins, est de permettre à nos patients la reprise d’un travail. Cela passe parfois par la nécessité de mettre en avant que leur personnalité n’est pas forcément en adéquation avec leur travail initial.

Nous mettons tout en œuvre pour qu’ils puissent :
1/ Retrouver un travail, une formation ou un projet professionnel défini
2/ Éviter les rechutes

JDV : Comment se déroule la prise en charge au sein de votre hôpital de jour ?

ÀD.L. : L’accueil se fait en demi-journées, à raison de deux fois par semaine. Les groupes sont composés de 9 patients maximum. Ce sont des groupes dits « fermés », c’est-à-dire qu’un groupe démarrera le parcours à la même date et ce groupe restera inchangé jusqu’à la fin de la prise en charge, permettant de créer de vrais liens entre les patients.
Les patients bénéficient également d’un accompagnement individuel d’une demi-journée, une fois tous les 15 jours.
En moyenne, nous sommes sur une proportion de suivi effectué à 75% en groupe et 25% en individuel. Lors de chaque demi-journée, le groupe aura 3 prestations et 3 intervenants différents. Dans le suivi individuel, nous veillons à ce que les intervenants restent les mêmes.

Le patient bénéficie d’un Projet de Soins Personnalisé lors des différents parcours. Des objectifs de groupe sont également presents.

En complément des séances de psycho-thérapie et psycho-éducation, nous offrons différents types d’activités stimulantes et douces, comme l’art thérapie, le tai chi, la sophrologie, la luminothérapie, les hydro-massages (bain sec), l’éducation physique adaptée…

Les différentes phases de la prise en charge visent à atteindre : Apaisement, Reconstruction et Résilience

– La première phase est la phase de l’apaisement, du lâcher-prise, de l’expression des émotions. Nous essayons de canaliser ou exprimer les émotions et cette période dure environ 12 semaines.

– Les deux phases suivantes sont des phases de reconstruction de deux fois 12 semaines où l’on commence à parler travail, estime de soi, perfectionnisme, apprendre à savoir dire non…

– La dernière phase est la phase de résilience, permet l’accompagnement à la reprise d’une activité. On consolide les outils qui vont permettre d’éviter la rechute. On y aborde la reprise du travail et on informe également un bilan de compétences. Cela permet au patient de se réorienter s’il était dans une profession qui ne lui était pas ou plus adaptée. Cela peut également permettre de reprendre un parcours de formation diplômante en vue d’une reconversion.

Le temps d’hospitalisation s’étale sur un minimum de 48 semaines, mais nous adaptons la phase d’apaisement en fonction du groupe et de leurs besoins. Il s’agit vraiment de la phase socle et elle peut donc être prolongée si cela semble nécessaire.

JDV : Quelles sont les clés de votre approche dans la phase socle ?

D.L. : (Ré)apprendre à prendre soin de soi ! à lâcher prise ! Cela passe, par exemple, par des atelier dits « esthétiques » où l’on va travailler sur le look, apprendre à se faire plaisir au-delà du paraître, la reprise de l’activité physique et la remise en mouvement, des ateliers de sophrologie.

Le parcours de soins s’effectue en groupe mais il reste personnalisé et individuel. Les objectifs sont définis entre le médecin et le patient. 

JDV : Comment les patients peuvent-ils communiquer leurs difficultés avec leurs proches, entourage ?

D.L. : Deux fois par an, nous organisons des réunions familles avec l’entourage. Généralement, ce sont les parents ou les conjoint(e)s qui ont beaucoup de mal à comprendre la détresse du patient.

Nous partageons des informations générales, sur le burn-out par exemple. Nous ne partageons jamais de conseils tous faits. Le curseur bouge en permanence avec les patients qui souffrent de psychopathologies et il est important de le comprendre. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise conduite tant qu’il y a de la bienveillance.

Ces situations de souffrance psychologique qui ont démarré dans le contexte du travail ont bien évidemment des répercussions sur les proches et la cellule familiale. Cela dérive également parfois sur des problèmes d’addiction(s). C’est pourquoi notre Médecin coordinateur est également Addictologue au sein de l’hôpital de jour.

JDV : Quels sont les signes que l’on peut observer qui sont gages de quelqu’un qui remonte la pente ?

D.L. : Lorsque la personne en souffrance psychologique commence à sortir de la phase aigüe, tout d’abord on remarque une amélioration de l’apparence physique. Il y a souvent une diminution des douleurs et une souffrance qui devient moindre et chaque jour un peu plus supportable. L’évolution est en dent de scie et nous en informant systématiquement le patient. Il y aura des phases de mieux êtres et des phases de mal êtres. 

JDV : Quelles sont les spécialités qui composent l’équipe soignante ?

D.L. : Nous sommes une équipe plus-disciplinaire. L’équipe soignante est composée de Médecins Psychiatres, de Psychologues cliniciens et psychologues du Travail, d’Infirmières, dont une spécialisée dans les Troubles du Comportement Alimentaire (TCA) et la psycho éducation, des Arts Thérapeutes, des sophrologues et un Éducateur d’Éducation Physique Adaptée (EPA).

De plus, tous nos Médecins sont multi-approches : parmi leurs outils, ils ont recours au yoga, à la méditation et à la relaxation. Nous complétons cette équipe avec des psychologues vacataires afin d’assurer les suivis individuels.

Nos psychiatres étant en profession libérale, ils ont la possibilité de poursuivre le suivi des patients au-delà de leur hospitalisation chez nous. La relation aux thérapeutes ne se contraint pas à l’enceinte de nos murs et les liens et la confiance créés peuvent s’inscrire dans la durée si le patient le souhaite.

JDV : Que se passe-t-il à la fin de l’hospitalisation ?

D.L. : Une demi-journée de sortie est organisée. Le patient voit la secrétaire médicale, son médecin et infirmière référent. Ensuite, nous prenons contact avec le patient 3 mois, puis 6 mois après sa sortie. Le patient est informé qu’il a la possibilité de demander des consultations médicales si besoin. Nous avons vraiment la volonté d’accompagner à la sortie de manière douce et progressive et nous l’y préparons tout au long du parcours. L’idée étant qu’il soit en capacité de retrouver son autonomie et que cela s’inscrive dans une démarche d’Auto-Prévention.

Il y a également de vrais liens qui se créent entre les patients de chaque groupe, ce qui offre naturellement un soutien supplémentaire. Les patients se rencontrent parfois en dehors des séances chez nous, créent un groupe WhatsApp, ils se supportent et veillent les uns sur les autres. Il y a donc aussi ce collectif et ces amitiés qui peuvent perdurer.

JDV : Qui peut bénéficier de cette prise en charge ?

D.L. : Tout le monde ! Notre volonté est vraiment de garantir un zéro reste à charge de l’admission à la sortie pour le patient. La prise en charge passe par la sécurité sociale et la mutuelle, y compris CMU. C’est donc à la portée de tous !

Nous prenons en charge tous corps de métiers, de l’hôtesse de caisse au médecin, en passant par l’architecte, l’infirmière…

Quels que soient les métiers exercés, nous sommes généralement sur des profils d’hyper-investissement au niveau professionnel. Certains patients ont, par exemple, toujours eu le sentiment d’exceller et d’être les meilleurs dans leur travail et puis tout s’écroule à la suite d’un changement de manager. Nous avons également des patients plus âgés que l’on a poussés dans un placard… Le décrochage ou burnout survient parfois également à la suite d’un rachat de l’entreprise, d’un changement de direction ou d’organisation… Nous avons également des patientes qui ont souffert de harcèlement moral et/ou sexuel.

JDV : Qui sont les prescripteurs d’une prise en charge chez Psypro ?

D.L. : Les principaux prescripteurs sont les CMP (Centre Médico-Psychologiques), les Services de Prévention et de Santé au Travail comme PÔLE SANTÉ TRAVAIL et les Médecins Généralistes. Beaucoup de patients font la démarche de nous contacter directement et nous les réorientons vers leur médecin généraliste pour formaliser la demande. D’anciens patients nous préconisent aussi à leurs collègues ou amis.