VACANCES, UNE ORGANISATION DE TRAVAIL QUI DOIT S’ADAPTER
Interview Laëtitia C. Ergonome

 

JDV : Avant de parler de l’impact des vacances sur l’organisation du travail, pouvez-vous nous dire ce qu’est l’ergonomie ? Quelles sont vos missions et comment accompagnez-vous les entreprises ?

L : L’ergonomie dans l’entreprise permet d’améliorer les conditions de travail pour qu’elles soient les plus respectueuses de la santé de chacun. Un ergonome a pour missions d’adapter, de concevoir et de transformer les situations de travail quand cela est nécessaire et donc de contribuer à la mise en place de projets, dans les entreprises, concernant la santé et les conditions de travail.

Nous sommes amenés à accompagner les entrepreneurs, les salariés, les équipes dans l’entreprise et nous sommes donc « sur le terrain » au quotidien ! Tout n’est pas condition de travail ! Nous regardons les impacts sur la personne : charge de travail, complexités, pression temporelle… Le but est qu’à la fin de la journée, de la semaine, du mois, de l’année, des 42 années, on ne soit pas abîmé !

JDV : L’ergonomie, c’est une notion assez récente et dont on parle depuis peu de temps ?

L : On n’a pas légiféré sur l’ergonomie. C’est une notion apparue dans les années 1950-60. Elle a accompagné la taylorisation de l’industrie, comme dans la construction automobile par exemple.

On a pris conscience qu’il fallait mettre en place les meilleures conditions de travail pour limiter l’impact sur le physique des ouvriers. On passe ainsi de la notion de performance à la notion d’efficience !

Comment mieux faire son job en en payant moins le prix physiquement, tout en permettant de faire progresser le service qualitativement ?

JDV : Est-ce que votre mission sur l’amélioration des conditions de travail est la même aujourd’hui qu’il y a 50–60 ans ou est-ce que cela a évolué ?

L : Les conditions de travail ont incontestablement évolué ! Dans le bon sens en ce qui concerne la pénibilité physique ! En diminuant par exemple les charges ou le poids portés par les ouvriers.
Par contre, la qualité du travail a inversement baissé ces dernières années particulièrement sur la dimension psychique. Le travail est plus sous surveillance, plus contrôlé, mesuré. Les rythmes se sont accélérés. Ce qui génère plus de pression. La vigilance doit être constante. On nous demande plus de polyvalence et la capacité à être multitâches.
Les risques psychosociaux (RPS) montent. Nous le constatons chaque jour !

JDV : Pour tous les travailleurs ?

L : Oui. La population a évolué. Nous sortons du taylorisme, culturellement parlant ! Il y a désormais des métiers non valorisés, non reconnus, qui entraînent des problèmes de reconnaissance pour ceux qui les pratiquent et qui génèrent également une difficulté à recruter pour les entreprises : ce sont par exemple les métiers des services à la personne, les gardes à domicile, les femmes de chambre…

JDV : Est-ce qu’il y a un symbole de ce tournant et de la prise de conscience de la montée des RPS ?

L : Sans hésiter ! La prise de conscience des RPS s’est faite avec la crise chez France Telecom. On a réalisé que des éléments différents pouvaient porter atteinte à la santé mentale et physique des travailleurs, entraînant par exemple un burn out.
Mais le burn out n’est pas une maladie. C’est l’une des conséquences possibles de la montée des RPS ! Les facteurs de risques sont le stress, l’épuisement professionnel, le harcèlement, le manque de reconnaissance, le manque de sens, le changement perpétuel et l’adaptation coûteuse. Les RPS sont la cause de plusieurs maux et pathologies : dépression, manque de sommeil, Troubles Musculo-Squelettiques…