Interview de Richard SION, Médecin du Travail

Richard SION : RPS, c’est donc l’acronyme de Risques Psycho-Sociaux, qui vont aller du simple mal-être, la tristesse, l’insatisfaction au travail, jusqu’à la dépression, le burn out, voire le suicide.

ll y a une gradation, il peut y avoir une progression. Ça peut aussi arriver très vite.

Il y a des causes multifactorielles aux RPS, une prépondérance de causes dues à l’encadrement, au type de travail
ou à la personnalité du salarié. On a tendance à parler trop vite dans les RPS de burn out.

Là, je voudrais quand même dire que le « burn out » en anglais, ça veut dire « carboniser ». Et quand on est carbonisé on est vraiment complètement cassé.  Heureusement ça concerne une minorité de personnes !

Je reviens aux causes : cela peut venir d’un manque de considération, de l’impression de ne pouvoir jamais s’en sortir, de l’attitude d’un collègue, de ne pas pouvoir exprimer ses idées, être contraint.e à bosser d’une certaine manière, alors qu’on voudrait faire autrement. Ça peut venir de comportements non respectueux, méprisants, humiliants, dépendant d’un ou plusieurs chefs ou de collègues.

Si ces comportements humiliants irrespectueux sont répétés, on a ce qu’on appelle du harcèlement moral.

R.S. : Je rappelle que sur la différence entre le harcèlement moral et le sexuel, c’est que sur le sexuel, il suffit d’une seule fois, un seul geste, une seule parole ! Alors que le harcèlement moral non. Dans le cadre du harcèlement moral, il faut qu’il y ait une répétition.

C’est-à-dire que si un jour quelqu’un dit « T’es vraiment nul » mais qu’après il est sympa… Il a balancé une insulte, ça peut blesser, mais ce n’est pas du harcèlement. Pas contre si c’est plusieurs fois par semaine, plusieurs fois par jour, plusieurs fois par mois, là ça devient du harcèlement.

S’il y a régulièrement dévalorisation, minimisation, mépris….

Les personnes victimes vont développer petit à petit une perte de confiance en elles, une tristesse, qui peut aller jusqu’à des pleurs, des troubles du sommeil ou un état de déprime, voire de dépression.

JV ! JE FAIS LE TEST !

LES SIGNES AUXQUELS
TU DOIS
PRÊTER ATTENTION !

Il y a déjà des tests très simples. Pose-toi des questions sur ton bien-être au travail, sur ta qualité de vie au travail.

• Tu estimes comment en ce moment, ton travail sur une échelle de 0 à 10 ?

Tu te dis plutôt « Je n’en ai plus rien à faire, j’en peux plus, c’est l’enfer, Il faut que je me barre… » Ou tu te dis plutôt « Je suis très heureux.
J’ai jamais trouvé un boulot aussi agréable.
Je m’épanouis, progresse. »

• À quel niveau tu te situes ?

Si c’est sept tu dois déjà commencer à mettre en place des contre-feux 

UN SIGNE ÉVOCATEUR
DE DÉPRESSION

Si un jour tu arrives au travail
ou alors que tu montes dans ta voiture,
tu ne vas pas réussir à aller jusqu’au travail
ou en arrivant devant l’entreprise
tu ne vas pas pouvoir sortir et y aller ! 

Tu n’en es plus capable !

Là tu fais ce qu’on appelle un « pétage
de plombs ». C’est un énorme signe d’alerte
où tu dois être pris.e en charge, être aidé.e !

Si le travail commence à te créer
des problèmes physiques ou psychiques,
tu es en droit de demander un rendez-vous en Médecine du Travail.
Ne tarde pas à nous en parler tout
de suite. Il vaut mieux traiter avant.
Il vaut mieux prévenir.

R.S. : Globalement si on a une souffrance psychologique au travail, cela vient souvent de problèmes de management, de reconnaissance, de relation. Et cela peut s’exprimer dans les 2 sens. Pression d’un manager sur un collaborateur. Pression d’un collaborateur sur le manager ou le chef d’entreprise !

• Comment agir si tu te sens harcelé.e ?

Il faut bien recommander de tenir un cahier des notes. On note la date de ce qui a été dit, qui était présent éventuellement. Si tu as une trace écrite, tous les jours, de ce qu’il se passe tel jour et tels jours, il y a eu telle phrase ou tel incident… pouvoir le dire devant un juge, un interlocuteur, cela permettra d’apprécier la situation.

En tant que Médecin du Travail, si nous voyons quelqu’un qui est en souffrance au travail et qu’on identifie une responsabilité de l’entreprise, nous pouvons faire ce qu’on appelle un devoir d’alerte ou un courrier d’alerte.

• Quelle est la personnalité type d’une personne qui harcèle ?

La réponse est compliquée parce qu’il peut y avoir plusieurs profils derrière.

Cela peut aller de la personne compétente mais timide, qui ne sait pas bien s’exprimer ou ne sait pas bien dire les choses aux gens et est, comme beaucoup, maladroite.

Il peut y avoir des personnes qui se retrouvent « chef-fe» ou « dirigeant-e », qui ont dépassé leur niveau de compétences. C’est le Syndrome de Peters. Là il faut qu’effectivement qu’en RH, on écoute les remontées des témoins de ces personnes, voir si on peut les aider à s’en sortir par la formation et l’accompagnement, sans trop perdre la face. Et puis il y a aussi le pervers manipulateur. Ce sont des gens qui se considèrent supérieurs à l’autre et qui, de toute manière le méprisent. 

• Et la personne toxique ?

Quand les personnes sont toxiques ou lorsqu’on a affaire à des pervers narcissiques ou manipulateurs, ce sont des gens qui ont un vrai problème psy et c’est quasiment insoluble. Mais souvent elles sont tellement brillantes en public ou vis-à-vis de leurs supérieurs que leur hiérarchie les apprécie.

Ce sont des personnes qui sont souvent capables de jouer sur deux tableaux ! C’est très dangereux.