Céline Lamblin, infirmière Santé Travail
Équipe PÔLE SANTÉ TRAVAIL
La minute socio !
En 2022 : 723 000 naissances en France. Moins qu’en 2021 pour la 7ème année consécutive.
Le taux de fécondité baisse depuis 2015 :
1,84 enfant en moyenne. C’était + 2 enfants dans les années 2010. L’âge moyen de la première grossesse a lui aussi reculé à 31 ans.
Pourquoi cette baisse des naissances ?
Au-delà des effets de la pyramide des âges, de la baisse mécanique des bébés des parents du baby boom, il faut également chercher d’autres raisons.
Le rapport à la parentalité a évolué depuis la fin du XXème siècle. La contraception, l’entrée dans la vie active, l’émancipation culturelle et financière des femmes leur permet aujourd’hui de choisir si elles souhaitent ou pas devenir mère.
Une dernière enquête de l’INSEE démontre d’ailleurs que plus les femmes sont diplômées et actives et moins elles ressentent l’envie d’avoir un enfant pour exister et se réaliser.
Autre facteur, nouveau et à surveiller, c’est la montée de l’éco-anxiété qui influe désormais sur le choix de devenir parents.
Plus de la moitié des 16-25 ans fin 2021, déclaraient que « l’humanité était condamnée à cause du changement climatique ».
39 % craignent dès lors de faire un enfant.*
Les pays européens ont pris le point et vont relancer des politiques de natalité, pour contrer le risque de vieillissement des populations.
Dans ce contexte, comment soutenir les futurs parents ou jeunes parents ?
Quelles clés au sein des entreprises ?
* Source : Enquête IPSOS novembre 2021
JDV : Comment accompagner les collaboratrices lors d’une grossesse ? Quels changements / transitions cela peut-il impliquer dans l’organisation d’une équipe, d’une entreprise ?
C.L. : Tout d’abord, je pense qu’à chaque déclaration de grossesse au sein d’une entreprise, il faudrait faire un point pour expliquer à la salariée ses droits concernant ses rendez-vous médicaux, l’heure de grossesse quotidienne….
De quoi bénéficie-t-elle ?
Les femmes et les employeurs ou cadres ne sont pas forcément informés du cumul possible des heures de grossesse par exemple.
JDV : Quels sont les métiers qui demandent une vigilance particulière de la part de l’employeur et des collaborateurs en termes de bien-être et de santé au travail ?
C.L. : Les métiers exposant à des risques professionnels pour la mère ou l’enfant, donc beaucoup de métiers liés la santé, par exemple, comme Aide et Soins à Domicile, Infirmière, Radiologue, Manip Radio… Là où il existe aussi des risques biologiques, chimiques, physiques. Les travailleuses de nuit également. Il est d’ailleurs possible de changer de services, de passer de jour pour les salariées de nuit.
L’exposition des femmes enceintes aux rayonnements ionisants doit être réduite. On va donc favoriser le travail en IRM par exemple plutôt qu’en radiologie dans le service d’imagerie. On a aussi mis en place le déplacement des femmes enceintes ou en désir de grossesse dans les services où les salariées manipulent des cytotoxiques. Même si aucune étude ne le démontre formellement, il y aurait une augmentation du risque sur la reprotoxicité et on observe un risque accru de fausse couche ; c’est donc à prendre en compte…
On va également conseiller de minimiser le port de charge.
C’est pour toutes ces raisons que l’employeur doit être sensibilisé afin de proposer des solutions et aménagements comme le travail en binôme, ou placer la salariée sur des tâches moins sollicitantes.
Je pense aussi aux métiers qui nécessitent de conduire sur de longues distances. La conduite prolongée est déconseillée au dernier trimestre car elle pourrait induire un risque d’accoucher prématurément. Il faut également faire preuve de vigilance envers les personnes travaillant dans un environnement bruyant et qui sont exposées à + de 80 décibels pendant 8h.
JDV : Enceinte, quelles sont les nouvelles vulnérabilités ?
Comme nous le conseillons aux personnels d’entretien, on va conseiller d’aérer régulièrement, d’utiliser des produits d’entretien éco-labellisés et naturels.
Pour tous les personnels administratifs ou secteur tertiaire, on peut conseiller de minimiser l’utilisation du téléphone portable, de PC ou tablettes connectés. Il y a des choses simples à mettre en place comme éviter de ranger son smartphone dans sa poche ou de l’utiliser de manière prolongée à l’oreille. On préfèrera privilégier l’utilisation du kit mains-libres par exemple.
Les choses à éviter !
Les produits chimiques, les ondes, la conduite longue au 3ème trimestre, les endroits bruyants, l’exposition au stress…
Il faut avoir une vigilance et attention particulières pour les femmes qui ont un poste à fortes responsabilités.
Le stress est néfaste pour la grossesse et le bien-être de la maman et donc du bébé.
Il est important de limiter le surmenage, de préserver son bien-être et celui de son enfant pour se maintenir en bonne santé.
Les risques peuvent être accrus dans les situations de télétravail. La femme enceinte en télétravail aura, certes, moins de déplacements mais pas moins de stress pour autant, voire, plus de difficultés à couper et respecter son propre droit à la déconnexion.
« Il est important de souligner que les femmes ont tendance à avoir des enfants de plus en plus tard. Il y a de fortes chances qu’une femme devenant maman à 35 ans n’en sera pas au même stade de sa carrière ou de son parcours professionnel qu’à 25 ans.
Plus elle a un enfant à un âge avancé, plus elle est susceptible d’avoir un poste avec davantage de pression et de responsabilités et l’engagement qu’elles impliquent. Cela aura forcément une influence et une incidence sur la façon dont elle vivra sa grossesse.
Sans oublier que chaque grossesse est différente, qu’il s’agisse de la première, troisième, cinquième… »
JDV : Comment accompagner les travailleuses et les travailleurs lors de leur retour de congé maternité et paternité ? Quels changements / transitions cela peut-il impliquer dans l’organisation d’une équipe, d’une entreprise ?
C.L. : À chaque retour en poste, l’employeur doit demander une visite de reprise maternité. Elle doit être effectuée normalement entre le 1er et le 8ème jour suivant la reprise.
Lors de ce rendez-vous, on fera le point avec la jeune maman sur différentes questions :
– Date de l’accouchement (jour, à terme, prématuré)
– État de santé pendant la grossesse : nausées, diabète gestationnel…
– Type d’accouchement : voie basse, césarienne, forceps…
– Prénom du bébé
– Date de début de l’arrêt, avant congé maternité ou non, si arrêt précoce, pour quelle raison ?
– Nombre de grossesses et nombre d’accouchements
– Prise de poids pendant la grossesse et perte de poids depuis
– Allaitement
– Date de reprise, conditions de reprise : temps plein, 80%, congé parental…
– Suivi gynécologique
– Rééducation périnéale et abdominale…
On veillera à lui demander quels sont ses sentiments face à la reprise, est-ce qu’elle souffre d’une peur de la reprise et des difficultés d’organisation familiale.
Bien évidemment, une reprise se pense également au niveau collectif et organisationnel dans une entreprise.
La salariée ayant le droit de reprendre à 80%, cela peut nécessiter une réorganisation soit avec un renfort, un recrutement ou encore un remaniement des roulements par exemple.
Ces échanges peuvent permettre de mettre en place un nouveau mode d’organisation temporaire ou permanent qui permettra une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie de famille.
Certaines entreprises n’hésitent pas à mettre en place des micro-crèches d’entreprise, ce qui permet une meilleure conciliation et la possibilité pour les parents de garder une vraie proximité avec leurs enfants, même pendant la journée. Cela représente également un gain de temps au niveau des déplacements, moins de fatigue et plus de flexibilité.
JDV : Comment comprendre et accompagner les préoccupations personnelles en entreprise ? Comment accompagner une maman souhaitant poursuivre l’allaitement sur son lieu de travail ?
C.L. : Il est nécessaire de prévoir une pièce ou un espace où la collaboratrice aura la possibilité de tirer son lait en toute intimité et de s’isoler. Elle aura le droit de s’absenter jusqu’à 1 heure par jour en deux épisodes de 30 minutes. Au-delà de ces obligations légales, je pense qu’il est important de maintenir un cadre de travail bienveillant et propice à cette conciliation de vie personnelle et professionnelle. On peut très bien cumuler les deux et au plus l’organisation se veut facilitante, au plus cela favorisera un cadre de bien-être au travail.
JDV : Comment le manque de sommeil lié à la vie avec un nouveau-né peut-il impacter les conditions de travail de jeunes parents ?
C.L. : Évidemment, c’est une période que beaucoup traversent et qui est compliquée. Là encore, il est constructif de faire preuve d’empathie et de bienveillance envers les jeunes parents qui travaillent.
Au même titre que l’on prévoit un espace pour allaiter / tirer son lait, on pourrait tout à fait imaginer que les employeurs prévoient un espace repos pour de courtes pauses réparatrices en cas de fatigue intense. Parfois, 15 à 20 minutes de repos au calme peuvent faire une réelle différence sur la concentration et ses capacités à accomplir un certain nombre de tâches.
C’est d’ailleurs répandu dans de nombreux pays, notamment anglo-saxons.
JDV : Quelles sont les clés pour comprendre et accompagner les salariées et les salariés dans le désir de devenir parents et des parcours d’AMP*?
C.L. : Un parcours d’AMP n’est jamais réalisé de gaieté de cœur, c’est une situation qui n’est pas évidente à partager. Souvent un peu tabou, les femmes en parcours ont un sentiment de honte et de culpabilité. Mais les femmes font des enfants de plus en plus tard et les parcours d’AMP sont de plus en plus fréquents.
Depuis 2016, il existe une loi qui permet aux salariées engagées dans un parcours d’AMP d’être protégées contre les discriminations et qui permet également un régime d’autorisation d’absences rémunérées. Comme pour les femmes enceintes, ces absences ne doivent entraîner aucune baisse de rémunération.
Je pense que l’employeur n’est, bien souvent, pas suffisamment sensibilisé sur ce sujet. Une salariée en parcours est amenée à s’absenter régulièrement pour raisons médicales. Elle peut s’absenter pendant ses heures de travail. Il faut savoir que son conjoint (marié ou pacsé) peut assister aussi à 3 des actes médicaux nécessaires par protocole. Parfois, ça ne fonctionne pas tout de suite et plusieurs protocoles sont nécessaires.
Il est important que les employeurs soient informés sur ces sujets et c’est parfois malheureusement plus compliqué ou tabou dans certains secteurs d’activité. Sans tomber dans les clichés, un homme ne sera pas forcément compris s’il demande des absences rémunérées pour des rendez-vous médicaux liés à une Assistance Médicale à la Procréation.
*AMP : Assistance Médicale à la Procréation
Que dit la loi ? Grossesse, congés maternité et paternité
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