Richard SION (Médecin du Travail) et Céline LAMBLIN (Infirmière Santé Travail)
nous parlent de l’expérience « Soleil de nuit »
Le Docteur Richard Sion et son équipe ont fait un constat dans le cadre de recherches : il n’y avait eu, jusqu’à récemment, aucun projet d’amélioration des conditions de travail pour les travailleurs de nuit en milieu hospitalier.
Ces travailleurs souffrent pourtant souvent de troubles liés au décalage de l’horloge biologique, ayant un impact sur la qualité de leur sommeil, ainsi que sur leur qualité de vie d’un point de vue plus global.
Inspirés par des projets menés en France et à l’étranger dans des secteurs d’activité comme l’aviation ou l’armée, ils ont donc choisi d’entreprendre un projet de luminothérapie au sein d’un groupe hospitalier lillois, auprès d’un service d’abord, avec le soutien de l’établissement puis de l’Agence Régionale de Santé. Ils ont ensuite déployé cette expérience au sein de l’ensemble des services de l’établissement, mettant en place des solutions palliant aux problématiques de l’exposition à la lumière, naturelle et artificielle, pouvant impacter le sommeil négativement.
Parmi les dispositions prises lors de l’étude et la mise en vie de ce projet :
– Un questionnaire dense et complet permettant d’identifier précisément les problématiques rencontrées par les travailleurs de nuit :
• Souffrances physiques et psychologiques
• Les troubles de l’humeur
• Les troubles du sommeil
• Les sensations de fatigue
• Les problèmes de santé et le mal-être général
Ceux-ci semblaient être particulièrement prépondérants auprès des équipes effectuant des horaires de travail postés, décalés et changeants et semblaient sensiblement moins importants chez les travailleurs de nuit réguliers.
– La mesure de l’exposition à la lumière dans les espaces de travail stratégiques du personnel de nuit, comme les lieux de préparation des thérapeutiques et les postes infirmiers permet ensuite d’optimiser l’exposition à la lumière artificielle afin de favoriser l’éveil nécessaire au cours des heures de travail, tout en minimisant l’impact de celle-ci sur l’endormissement plus tard dans la matinée, en fin de garde.
– La mise en place de luminothérapie en début de service ou de garde : un temps d’exposition d’une vingtaine de minutes avant minuit à une lampe ou un éclairage de luminothérapie permet de « tromper le cerveau » en lui faisant croire qu’il démarre l’activité professionnelle le matin.
– La réduction de la stimulation lumineuse la nuit dans les couloirs ou dans les chambres, permettant au matin de ressentir une sensation de fatigue qui permet un endormissement naturel et plus récupérateur.
– Chaque travailleur de nuit s’est vu offrir une lunette personnelle à filtre bleu ou orange spécifique.
Ces lunettes permettent aux travailleurs, au sortir de leur poste, de ne pas risquer d’être sur-réveillé avant de pouvoir aller dormir, en minimisant l’exposition à la lumière matinale.
– La mise à disposition de fauteuils « relax » suffisamment confortables pour des moments de pause et de court repos pendant les horaires de travail et en cas de fatigue. En effet, bien que certains travailleurs soient habitués aux horaires décalés, il n’en reste pas moins difficile pour l’horloge biologique de suivre un rythme de sommeil naturel.
– Des conseils nutritionnels et une mise à disposition de collations et de repas adaptés en fonction des horaires de travail.
– Une pédagogie auprès des équipes, permettant une meilleure compréhension du cycle circadien et donc une meilleure anticipation des complexités liées aux horaires décalés.
– Un questionnaire de retour d’expérience sera envoyé en fin d’année afin de pouvoir évaluer de manière concrète l’impact de cette expérience, baptisée « Soleil de nuit » auprès des équipes participantes.
Le projet a été extrêmement bien accueilli par les travailleurs,
qui se sentent souvent mal compris ou peu écoutés sur les complexités liées à la temporalité de leur travail.
Le taux de participation à l’expérience et au questionnaire est très élevé. Il a, de ce fait, été soumis et retenu dans le cadre d’un concours des projets innovants en milieu hospitalier.