PATCHWORKING, UN AUTRE REGARD SUR LE TÉLÉTRAVAIL

Sylvie R. Sociologue

Regard sur le contexte du télétravail

Longtemps décrié et controversé, le télétravail s’est révélé salutaire pendant le confinement, pour les entreprises et leurs équipes de professionnels qui se sont attachées à garantir la continuité d’activité, comme pour la vie économique de notre société.
Aujourd’hui à nouveau, en cette rentrée si particulière, le télétravail s’impose comme une solution indispensable pour conjuguer la mobilisation pour la relance et le combat contre l’épidémie.
Le paradoxe du moment : alors qu’il pourrait nous permettre de repenser le maillage entre le collectif et l’individuel, entre la vie professionnelle et la vie personnelle, nous inspirant ainsi une nouvelle dynamique sociale d’organisation…
Le télétravail est pensé aujourd’hui comme une protection face au danger épidémique que représente le collectif. L’idée est de recourir au télétravail pour éviter d’être trop nombreux, d’être tous ensemble.
Pas de quoi lutter contre les préjugés qui, depuis longtemps, nous empêchent de bien penser les nouvelles formes de travail que les technologies nous permettent comme jamais.

Regard sur les préjugés qui entourent le télétravail

On l’a toutes et tous entendu ou dit : le télétravail isole, déshumanise, brise le collectif, est inéquitableatomise l’espace personnel et la vie privée, en même temps qu’il intensifie les procédures de contrôle et de « télésurveillance »…
Résultat, dans de nombreux univers, le télétravail est source de polémique et de résistance bien plus que d’enthousiasme et d’énergie de changement.
Nous devons regarder les choses autrement et même changer de vocabulaire.
Passons-nous du mot « télétravail » qui n’a pas vraiment de sens tant il peut prendre de formes et de sens différents à « flex working ».

Regard sur la réalité en action

À l’évidence, nous pouvons convenir, que sous le terme « télétravail », nous ne pouvons référencer que des actions ne nécessitant pas le recours à des outils, équipements, objets, espaces spécialisés… uniquement présents en entreprise et non reproductibles ailleurs.
Dès lors effectivement, certaines actions, interdisent le « télétravail » à nombre d’acteurs. Ce n’est pourtant pas une fatalité, sauf à réduire un.e salarié.e aux bras qui portent le carton, aux mains qui manipulent un tissu, une molécule dans un labo ou la vaisselle à l’heure de la plonge…

À mes yeux, ce n’est pas la spécialité qui interdit le télétravail, c’est l’hyper et mono-spécialisation des fonctions et… des personnes.

Regardons les équipes et équipiers autrement. Au-delà des statuts et rôles spécialisés, voyons, le professionnel en devenir. Pensons formation, parcours d’évolution, co-construction des processus d’amélioration, connaissance de l’entreprise, de ses missions, de ses publics…

Pensons dialogue social, participation… En portant une autre considération sur chacune et chacun, on voit tout de suite que rien n’impose de se cantonner dans un seul rôle imposant d’être sine die en entreprise.

Premières observations

Le télétravail pour toutes et pour tous, c’est possible, il suffit de le vouloir. Loin de déshumaniser, il permet ici de ré-humaniser le regard qu’on porte sur les équipes, les parcours et les relations…
Pensons maintenant aux actions qui peuvent, sans difficultés, être réalisées, hors de l’entreprise.

Nouvelles observations

Il est tout à fait possible de penser le télétravail en partant des activités individuelles et collectives.
Même si l’on a recours a des règles statistiques  (3j/5, Xj par mois, pas + de X à la fois…).
La répartition de ces espaces-temps peut être optimisée en tenant compte des nécessités et besoins individuels et collectifs. Ce sont les équipes et unités qui sont les mieux placées pour imaginer ces dispositifs. Le dialogue ici indispensable invite à la confiance, la transparence, la pertinence et la solidarité.
« Ce que fait chacune, ce que fait chacun, s’inscrit pleinement dans ce que nous faisons ensemble. »
J’invite les entreprises et équipes en entreprise à s’approprier ce raisonnement et à se composer sa grille de « PatchWorking ». Pourquoi pas, même, se faire un patchwork ou pêle-mêle de photos des différentes façons que
« nous avons de travailler ensemble »…

En conclusion : Une invitation

À l’heure où les entreprises se tournent vers le commerce et/ou les services « omnicanaux ». Inventons, le « flex working ». Permettre à chacune et à chacun de faire une partie de son travail ou temps de travail hors de l’entreprise, avec transparence et pertinence, au nom de la confiance et de la considération que l’on porte à chaque collaboratrice et collaborateur. Durant le confinement, nous avons échangé avec les Dirigeants et les équipes d’une banque en ligne. En 24 heures, ils sont passés du travail au siège au travail depuis la maison.
« Chacun chez soi et, pour autant…tous ensemble dans l’action, au service des clients et de l’entreprise. »
C’est ce que j’appelle le travail en mode agile. Ainsi, je pense que la question que pose le télétravail n’est pas de savoir comment on intègre les technologies à nos anciens schémas de pensée, d’organisation et de contrôle, mais de trouver les nouvelles conditions de travail absolues et standardisées.
La question est de savoir comment faire réussir nos équipes, nos clients et l’entreprise quelles que que soient les conditions !