« Je veux exercer un métier utile »
Interview Victor Maroye
Apprenti dans l’artisanat après un parcours de 2 ans en école d’ingénieur
JDV : Pourquoi avez-vous choisi l’artisanat ?
V.M. : J’avais envie de travailler de mes mains et d’être utile pour les autres ! Avant de venir ici, j’ai fait deux ans de prépa en École d’Ingénieur et ensuite trois ans d’histoire. C’était bien mais très théorique, on apprenait beaucoup de choses, mais finalement, on ne faisait pas grand-chose d’utile. Ce n’était pas concret. Je ne me sentais pas bien dans ma peau.
» Ici, je travaille avec mes mains, je me sens mieux et quand je vois quelque chose que je réussis, je suis content. Je suis plus utile. » Ça me motive plus que d’étudier ça ou ça.
JDV : Pendant vos études précédentes, est-ce que les jeunes se posaient ce type de questions, comme l’utilité dans le travail ?
V.M. : Cela dépendait des personnes. Mais c’est vrai que de mon passage d’École d’Ingénieur à ma licence d’histoire et à ici, j’ai vu plein de personnes différentes. Aujourd’hui la question de l’utilité est surtout le souci de bien faire. Je ne sais pas s’il y avait autant ça à la fac et en École d’Ingénieur. Dans ce nouveau métier, c’est vraiment le bois qui m’intéresse et c’est vraiment quelque chose que j’affectionne par rapport à ce que je faisais avant. Avant j’ai eu des grandes baisses de motivation, c’est ce qui m’a notamment fait arrêter l’histoire et l’École d’Ingénieur.
Mais je pense que ça dépend de l’environnement dans lequel on travaille et de ce qu’on fait, de ce qui nous motive. Ça dépend aussi beaucoup des gens avec qui on travaille et avec qui on est, tout simplement. La culture des gens. Je pense qu’il existe une bonne solidarité dans ce métier, mais avant, c’était un peu chacun pour sa pomme. On se débrouillait.
JDV : Comment vivez-vous le monde de l’entreprise ?
V.M. : J’ai été très bien accueilli dans cette entreprise. Je sais que si j’ai un souci, je pourrais demander de l’aide à quelqu’un de l’équipe et réciproquement. Je pourrais aller l’aider, si besoin, dans la seconde. Il y a de la solidarité. Je pense que c’est le bon mot. Il y a également de la communication, bien qu’on soit dans un métier du bâtiment.
JDV : Quel regard portez-vous sur toutes les crises que nous sommes en train de vivre ? Sanitaire, géopolitique, environnementale…?
V.M. : Personnellement, je porte le masque, mais c’est plus un souci envers les autres que pour moi-même. C’est pour protéger mes sœurs, mon père ou ma mère et éviter de transmettre le virus. « Des trois crises que nous vivons, je pense que le réchauffement climatique c’est ce qui est le plus alarmant. » Parce que c’est celui dont on parle le moins, bizarrement. Une fois que ça va pêter, ça va être terrible !
JDV : Est-ce que dans un métier comme le vôtre, il y a la volonté de s’engager pour réduire l’impact sur l’environnement ?
V.M. : On fait comme on peut. On ne peut pas rester insensible au gaspillage par exemple. Je pense que je ne suis pas aussi actif que j’aimerais l’être. Contrairement à la maison, au travail, on n’a pas forcément le réflexe de se dire : ça, c‘est recyclable…. On pense plus à ce qu’on doit faire et on ne va pas dire, ça il faut que j’aille le jeter à tel endroit ou alors
il ne faut pas gaspiller trop de choses. Il y a des moments où l’on est obligé de mettre de l’huile ou de la colle en grande quantité et c’est un peu du gâchis. Mais il faut que ça marche.
JDV : La Prévention, est-ce que c’est un sujet auquel vous pensez ?
V.M. : On parle beaucoup de la sécurité dans l’entreprise. Déjà ne serait-ce que lorsqu’on doit porter quelque chose : soit on le fait à deux, soit on le fait avec un chariot pour être sûr de ne pas se faire mal. C’est pareil avec les machines, dès que je les utilise, on me prévient toujours de comment ça marche, de ce qui peut aller mal. Depuis que j’ai commencé à travailler, je le sens physiquement.
« Avant, je n’avais jamais vraiment travaillé de mes mains, et là, j’ai des coupures etc. Ce ne sont pas des grosses douleurs. Mais je sens que physiquement ça me fait quelque chose. Les postures ne sont pas les mêmes qu’à la fac par exemple, ni la même fatigue !!! »
« Ce que je fais c’est aider les personnes »
Interview Yann Henry
Menuisier – Agenceur
JDV : Est-ce que vous vous sentez utile dans un métier comme le vôtre, est-ce que vous vous sentez bien dans votre entreprise ?
Y.H. : Je pense qu’au niveau de l’utilité, c’est un sentiment de satisfaction, parce que, ce qu’on fait, c’est pour aider les personnes. Quand on fait une étagère, une bibliothèque, c’est pour améliorer le quotidien de la personne. Donc oui, ça nous rend fiers et on se sent utiles. Quand on voit le résultat final, ça apporte beaucoup de satisfaction. Ça fait plaisir surtout d’être sur un projet de A à Z et de se dire « J’ai participé tout au long à ce projet, je suis en capacité de le faire et j’ai appris. » C’est ça qui est satisfaisant, c’est d’apprendre, faire plaisir aux autres et se faire plaisir à soi.
JDV : Pourquoi vous restez dans cette entreprise ?
Y.H. : Parce qu’on se sent libre ici ! Même si c’est assez strict par le fait qu’on a beaucoup
de consignes au niveau de la sécurité. Tous les jours nous avons une nouvelle consigne. Par exemple, pour une nouvelle machine, notre patron va penser directement à la sécurité. Qu’est-ce qu’il va y avoir autour ? Qu’est-ce qui peut rentrer dedans ? Qu’est-ce qui va gêner ? Quels risques ? Par exemple, si c’est une machine qui doit retirer de la matière.
On va penser directement au système d’aspiration. Là, on est en train de revoir le positionnement des aspirations de l’atelier. On utilise la machine seulement si nous sommes formés pour.
Par exemple, les stagiaires, il y a certaines machines qu’ils n’ont pas le droit d’utiliser, des portatives qui sont un peu trop dangereuses ou des fixes.
Mais dans tous les cas, avant qu’une personne n’utilise une machine, nous devons lui expliquer les consignes, les risques et comment se protéger. Systématiquement. Personne ne va sur une machine s’il ne la connaît pas.
JDV : Est-ce qu’il faut être vigilant dans un métier comme le vôtre ?
Y.H. : Il y a du danger partout et c’est pour ça qu’on doit être très vigilant. Un des plus gros risques c’est la luxation de l’épaule. Les jambes, le dos, les épaules, les oreilles… souffrent également. On a des protections auditives pour le bruit.
JDV : Est-ce que les produits que vous respirez font partie de votre vigilance (colle, sciure…) ? Pensez-vous à vous protéger ?
Y.H. : Oui, il y a des produits nocifs. Quand on fait de la peinture, on se protège, on met des masques, une visière. Mais effectivement, quand on est en train de scier, qu’on travaille avec les machines, on a un système d’aspiration qui évite
qu’on respire tout ça. Nous sommes formés et nous essayons de nous protéger le mieux possible !
JDV : Est-ce que vous regardez les composants des produits que vous utilisez ?
Y.H. : On regarde principalement les risques. Par exemple, sur des produits inflammables, on va se mettre dans une zone où on sait qu’on ne va pas se mettre en danger.
Pas à côté de la zone fumeurs par exemple. Pour ce qui est de la peinture, on a une cage. Pour la quincaillerie, on a une salle qui est faite pour ça. Ça évite les risques. Les professionnels nous orientent vers tel type de produit et tel type de gamme qui seront les plus appropriés pour le projet.
JDV : Au niveau de l’équipe, comment fonctionnez-vous ?
Y.H. : Au niveau des heures, c’est nous qui prenons la fiche et nous notons à quelle heure on arrive, à quelle heure on repart. On nous laisse nous autogérer et je pense que c’est pour ça que ça se passe aussi bien. On n’a personne sur le dos, personne qui nous dicte tout le temps quoi faire etc. Le fait d’avoir cette liberté, ça nous apprend à nous gérer, à gérer le travail, les périodes de crise et l’organisation. Concernant les projets, on a généralement une personne chargée d’un chantier, il prend une équipe avec lui et c’est lui qui gère son équipe.
Nous sommes en apprentissage, nous sommes là pour apprendre. Le fait de mettre un collègue « senior » qui a plus d’expérience que nous et deux apprentis, nous permet d’apprendre plus vite, à nous autogérer et ça se passe super bien.
Nous avons énormément d’échanges, pour l’organisation par exemple, c’est très important. Si on n’a pas d’échange, on est perdu. Tout le monde parle avec tout le monde. Je suis capable de vous dire, par exemple, ce que mon collègue fait là-bas ? C’est ça qui est important.