LA CLÉ C’EST L’HUMAIN
Rodolphe B. Manager

JDV : Pouvez-vous me présenter votre entreprise et son activité ?

R : C’est une société à taille humaine d’environ 130 salariés, nous sommes spécialisés dans la fabrication de pièces en composite, principalement pour le ferroviaire.

JDV : Quelles sont les clés pour qu’une entreprise soit performante ?

R :  Une entreprise partage à mes yeux les mêmes valeurs que le rugby : la combativité, l’entraide, la solidarité, la communion, l’échange, la volonté d’avancer et surtout la culture du résultat !

À l’époque où je suis arrivé, je me suis immédiatement dit que la clé c’était l’humain !

J’ai beaucoup observé, nous avons mis en place une politique de diversification de l’activité. J’ai voulu que nous utilisions nos savoir-faire pour apprendre à transformer la résine pour d’autres activités que le ferroviaire. Nous avons décroché d’autres marchés mais cela a entrainé de nombreuses conséquences pour les salariés. Ils avaient été « éduqués » à produire un certain standard de produits et ils devaient apprendre à travailler différemment. Il a fallu accompagner ce changement et l’expliquer.

• Je fais des points de communication avec l’ensemble de l’entreprise 2 à 3 fois par an :
– j’explique où on en est,
– où est-ce qu’on va,
– le taux de couverture des commandes,
– je rassure les gens,
– je donne de la vision,
– je donne du sens.

• Je fais des points individuels avec tous mes managers une fois par semaine les mêmes jours aux mêmes heures. S’ils n’ont rien à me dire ils ne sont pas obligés de venir, c’est leur choix, mais ils savent que ce créneau leur est réservé. Ma porte est toujours ouverte. J’ai une valeur simple : j’aime mes équipes, je suis exigeant avec elles mais juste.

 

Je suis convaincu que quand vous donnez, vous recevez.

 

Quand on gère une entreprise et qu’on en demande beaucoup à ses salariés, on doit mettre des choses en place.

J’ai instauré plusieurs nouveautés :
• des fiches de compétences,
• des fiches de polyvalence,
• des plans de formations,
• un système d’augmentation, et un système de gratification que certains peuvent cumuler,
• le droit à la déconnexion, l’interdiction formelle pour mes salariés de travailler de chez eux en dehors des jours de télétravail.

JDV : Comment prenez-vous soin de vos salariés au quotidien ?

R : Si on est heureux individuellement et ensemble cela ne peut que fonctionner.
Quand un salarié est heureux, il s’investit, il produit et vous pouvez lui demander ce que vous voulez.
Pour qu’il soit heureux, il faut qu’il soit bien à 3 niveaux :
• dans son esprit (niveau de moral, stress, pression,…)
• dans son corps (positionnement au poste de travail, accident du travail…),
• dans son « âme » (valeurs reçues, éducatives ou construites.)
Dans ma position de patron, il est sûr que je ne peux pas agir sur « l’âme », par contre je peux agir sur l’esprit et le corps.

 

Il y a une notion primordiale à mes yeux, c’est l’exemplarité !

 

Ne demandez jamais à quelqu’un ce que vous ne savez pas faire vous-même. Quand mes salariés doivent  exceptionnellement travailler le samedi, je viens aussi et je participe avec eux aux tâches. J’ai été formé par mes salariés en peinture, en moulage, en finition. Ce matin je suis arrivé à 06h15, parce qu’un de mes salariés partait en déplacement à 06h30, c’est mon rôle, je me dois d’être là avant lui.
J’arrive toujours avec le sourire et d’humeur constante, c’est mon devoir de montrer l’exemple !

Le vendredi l’entreprise ferme à 16h, chaque semaine à 15h50 si je suis présent sur le site, je me rends à la pointeuse et je serre la main de tous mes employés en leur souhaitant un bon week-end.

JDV : Comment le PÔLE SANTÉ TRAVAIL vous accompagne au quotidien ?

R : Bien sûr il faut apporter à ses salariés de la reconnaissance, des remerciements et du respect, mais pour qu’ils travaillent correctement et en toute sécurité il faut leur en donner les moyens : outils, machines, protections…
Sur tous ces aspects je travaille en proximité avec le Médecin du Travail, nous sommes dans l’échange, la concertation. 
Il a déjà accompagné des Troubles Musculo–Squelettiques en venant réaliser des études de poste et en me recommandant des adaptations si nécessaire.

Nous avons travaillé à la ré-intégration des salariés en longue maladie ou en arrêt de travail de longue durée, toutes les décisions sont prises en nous concertant.
Par exemple, j’ai un salarié qui subi une maladie lourde, il était en temps partiel thérapeutique, il a repris le travail depuis peu à temps plein, comme il boîte énormément, j’ai décidé de lui fournir un siège « assis-debout » que j’ai acheté sur les préconisations du Médecin.

Même si cela a un coût, j’équipe petit à petit mes salariés exposés à des produits toxiques de masques à ventilation assistée très performants. Nous avons été confrontés à un cas d’addiction en entreprise, j’ai échangé avec le salarié ainsi que notre Médecin du Travail et nous avons mis en place un contrat moral et un suivi régulier. Cela fait désormais un an que ce salarié n’est plus dépendant.

JDV : Quels sont d’après vous les enjeux de la Médecine du Travail dans les prochaines années ?

R : Tous les chefs d’entreprises que je connais sont convaincus que la Médecine du Travail est répressive. Elle est vécue comme une contrainte et non comme un apport, l’enjeu est de faire connaitre ses expertises et ses possibilités d’accompagnement qui sont d’une richesse extrême pour les employeurs et les salariés.