Le harcèlement moral

Interview de Thibault CARLIER, Psychologue du Travail

JDV : Nous allons aborder avec vous un sujet qui devient sujet de société, le harcèlement. Pas un jour sans que les médias nous parlent de cas de harcèlement, à l’école, au travail, voire même jusque dans sa propre famille. Mais de quoi parle-t-on ? Comment vous, Psychologue du Travail, pouvez-vous nous aider à comprendre ce qu’est le harcèlement, quelle forme il peut prendre et quels premiers conseils pour le prévenir ?

T.C. : Je vais commencer par définir la notion de harcèlement.Harcèlement moral, harcèlement sexuel, cyber-harcèlement,harcèlement de rue…C’est en effet aujourd’hui un sujet dont on entend parler régulièrement.Mais la définition du harcèlementest avant tout une notion juridique. Nous allons d’abord définir la notion de harcèlement moral. Il ne s’agit pas d’une notion psychologique ou sociologique, mais d’une notion juridique.

L’article qui réfère au harcèlement moral indique que : le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail, susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.

Maintenant que nous avons défini le cadre juridique du harcèlement moral, quels sont les agissements que l’on va pouvoir retrouver, que ce soit dans le milieu du travail ou dans tout milieu, comme le milieu scolaire, le milieu de droit commun ?

– On va observer à un premier niveau des comportements qui relèvent de ce qu’on appelle les incivilités, tout ce qui peut atteindre à la dignité des personnes : moqueries, critiques sur le physique, imiter les défauts de la personne ou la ridiculiser, la déconsidérer. Avoir des gestes ou propos méprisants pour la qualifier, vexer la personne en public ou lui confier tout simplement des tâches humiliantes dans le travail.

– Ensuite, cela progresse et devient de la violence verbale, physique et/ou sexuelle. Injurier, crier, menacer la pesonne, que ce soit verbalement ou par écrit. Tous les gestes ou propos déplacés ou la destruction de ses affaires personnelles. Compromettre sa santé, confier des travaux dangereux ou ne pas lui donner les équipements nécessaires pour réaliser certains types de travaux. Persécuter, surveiller, contrôler ses communications, la durée de ses pauses ou vérifier ses affaires…

– L’étape suivant consiste à isoler la personne. Ne pas l’inviter aux réunions, la retirer de l’organigramme, lui attribuer un poste qui l’éloigne des autres ou refuser le droit de communiquer. Ne plus lui parler, interdire de lui parler, ne pas la laisser s’exprimer ou l’interrompre sans cesse, refuser toute demande d’entretien ou ne pas lui transmettre les informations.

– Enfin, la réalisation du travail va être rendue impossible : suppression du travail ou des outils de travail. « Mettre au placard » comme on dit ! Supprimer le bureau de la personne sans prévenir ou lui retirer ses tâches habituelles, ne plus lui donner de travail ou bien tout simplement vider ses armoires sans la prévenir. Supprimer l’ordinateur, le téléphone, ne plus communiquer par écrit avec des post-it sur le bureau par exemple…

T.C. : Comme je viens de le décrire, le harcèlement moral peut prendre différentes formes dans les organisations du travail. On peut penser que le harcèlement va être lié à un lien hiérarchique, c’est-à-dire qu’on va avoir un donneur d’ordre ou un chef qui va venir nous harceler. Ce n’est pas aussi simple que ça et ça va prendre différentes formes dans l’organisation du travail :

• le harcèlement descendant est le plus connu.

• le harcèlement ascendant dont on parle peu, ce sont un ou des collaborateurs qui peuvent harceler un supérieur hiérarchique ou un groupe de collaborateurs.

• le harcèlement transversal entre collègues est peut-être celui qu’on va retrouver le plus régulièrement dans les organisations du travail. Il peut être inter-individuel entre deux individus, mais peut être aussi lié à des relations dites claniques entre clans de personnes qui, à la base, n’ont pas forcément les mêmes accords sur le travail ou les mêmes enjeux et vont rentrer dans des relations dites de harcèlement de groupe.

• et le phénomène dit du bouc émissaire où une personne va être, dans un collectif, la cible de l’équipe et subir un harcèlement, un isolement.