Focus sur le sommeil : réapprendre le sommeil

Interview Claire C. Infirmière Santé Travail – Spécialiste du sommeil 

JDV : Vous êtes experte sur le sommeil, sujet de votre mémoire, qu’avez-vous souhaité observer et analyser ? 

C.C. : Dans le cadre de mon mémoire, j’ai travaillé la comparaison des effets d’un changement d’organisation de travail de salariés postés à la suite d’une rotation de travail, passant de 3 x 8 en 5 x 8, sur la fatigue, le sommeil et les horaires postés.  

Cela m’a permis d’observer l’équilibre de vie des salariés et de trouver par la suite les actions à mener pour protéger leur santé au travail.

Notre temps passé au travail occupe une bonne partie de notre quotidien. Aujourd’hui, le travail en entreprise a fortement évolué en terme de rythmes et d’intensité. Il subit de profonds aménagements pour améliorer l’efficacité. Les nouvelles technologies, la mondialisation et la compétitivité, ont une forte influence également. 

Or, dans le même temps, on observe un accroissement des détériorations de la santé des salariés. Ceci peut être lié, entre autres, à des perturbations, dette, qualité, désynchronisation, du sommeil, plus marqués encore pour les horaires postés. Tout désordre du sommeil entraîne l’apparition de la fatigue et cette fatigue, cumulée à d’autres facteurs tels que l’environnement de travail par exemple, pourrait accroître le taux d’accidents de trajet ou d’accidents de travail.  

JDV : Quels conseils pourriez-vous donner aux entreprises pour préserver le capital sommeil de chacun ?  

C.C. : Il faut créer de meilleures conditions de travail. Cela pourrait jouer sur la qualité et la quantité de sommeil et préserverait le bien-être physique, mental et social des salariés. 

Les rythmes de travail sont multiples, et l’adaptation au travail posté est individuelle. 

Le travail posté, appelé aussi travail en équipes, ou travail en rotation, est la forme d’organisation du travail où des équipes se relaient au même poste les unes après les autres.

Ces formules intensives correspondent à des modes de production de travail en continu, c’est-à-dire où l’arrêt des équipements n’est pas possible. Cette adaptation dépend d’une interaction complexe entre plusieurs facteurs : l’âge, le rythme de travail, le travail domestique, le sommeil et les expositions.  

Au vu des dommages de santé liés au travail, et leurs conséquences, je pense qu’il est primordial de mettre en œuvre une politique de prévention.

JDV : En quoi est-ce important de bien dormir ?
En quoi une mauvaise qualité de sommeil nous rend plus vulnérable ? 

C.C. : Il est important d’avoir un sommeil de qualité. Les horaires postés impliquent plusieurs problèmes de santé dont le manque de sommeil. Cela peut créer du stress, et impacter l’humeur. Il y a des problèmes de santé qui sont avérés, des problèmes de santé qui sont possibles et des problèmes de santé qui sont probables.

Dans les effets avérés, il y a par exemple tout ce qui est trouble du sommeil, insomnie, hypersomnie. Vous pouvez également avoir une augmentation du tour de taille, l’élévation de la pression artérielle et de la glycémie, l’augmentation du taux sanguin des triglycérides et du cholestérol.

Dans les effets possibles, vous avez le diabète de type 2 et les maladies coronariennes (ischémie coronaire et infarctus du myocarde). Ainsi que des effets sur la santé psychique, les performances cognitives, l’obésité et la prise de poids. Le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) a classé le travail de nuit dans le groupe des causes cancérogènes probables pour l’homme en 2007. Il peut augmenter le risque de cancer du sein chez la femme.

Et dans les effets probables il y a l’hypertension artérielle, les Accidents Vasculaires Cérébraux (AVC) et les dyslipidémies.

*La dyslipidémie (Concentration très élevée de lipides dans le sang)

JDV : Est-on tous égaux dans la gestion de notre sommeil ?

C.C. : On vient de parler de qualité de sommeil, mais il y a aussi la question de quantité et elle dépend de chaque personne. La plupart des personnes dorment 8 heures par nuit. Il y a des profils dits « courts dormeurs », c’est-à-dire des personnes qui au bout de 6h de sommeil ont un sommeil réparateur et sont en pleine forme le matin et des profils dits « longs dormeurs » qui ont besoin d’avoir un peu plus de sommeil pour pouvoir être reposés correctement et être en forme.

Nous savons qu’un cycle de sommeil dure 1h30, avec le sommeil lent, le sommeil profond, le sommeil paradoxal. Il est important d’avoir un cycle complet. 

Dans le cadre de mon mémoire, j’ai recommandé aux personnes travaillant de nuit ou commençant à 5 ou 6h du matin de faire soit une micro-sieste de quinze minutes, soit de 30 minutes ou de 1h30. 

Ça peut permettre de récupérer aussi bien physiquement que mentalement. Si une personne fait une sieste d’une heure, elle coupe un cycle de sommeil en deux et cela n’est pas bon. 

La qualité est aussi importante que la quantité de sommeil

JDV : Qu’est-ce qu’un bon sommeil ?

C.C. : Nous savons que la durée d’une nuit de sommeil peut varier en fonction de plusieurs facteurs : les processus homéostatique et circadien, l’âge, l’heure de lever et de coucher, les facteurs socio familiaux et les facteurs environnementaux.

Un bon sommeil c’est déjà de dormir à des heures régulières.

Cela est difficile pour ceux travaillent en horaires atypiques. On leur conseille du coup les siestes pour récupérer leur dette de sommeil. De dormir dans un environnement où il y a un lit, dans le noir, avec une température aux alentours de 20 degrés. Éteindre leurs écrans 30 min avant de dormir, éviter les excitants etc… 

L’alimentation peut jouer sur une bonne ou mauvaise nuit de sommeil.

Si vous avez une alimentation plutôt grasse, lourde, vous n’allez pas réussir à vous endormir tout de suite car il y a la digestion etc… Le sommeil en pâtit, car vous vous endormez tard, et vous n’aurez pas votre taux de sommeil.

Au niveau du travail en entreprise, une dette de sommeil peut impliquer, par exemple, des troubles de la vision et de la somnolence dû à la fatigue, les accidents de travail sont multipliés. Notamment lors des nuits. Les postes de nuits sont plus vulnérables car ils sont à l’inverse du rythme du sommeil habituel. Souvent on conseille aux travailleurs de nuit, de prendre un petit déjeuner quand ils ont fini leur nuit de travail, et d’aller se coucher. Ils peuvent également faire une sieste après avoir mangé à midi.

Le degré de fatigue est problématique à partir du moment où il compromet la capacité d’un salarié à exécuter des tâches qui nécessitent de l’attention et du jugement, de la précision, et qui font appel à ses réflexes.

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Évaluer la fatigue : retrouvez les conseils de Claire C. Spécialiste du sommeil.