Laetitia Couderc
Ergonome Santé Travail – ÉQUIPE PÔLE SANTÉ TRAVAIL
JDV : Comment travailler ergonomie et architecture ensemble ? Comment cela peut-il permettre de remettre l’humain au centre des espaces de travail ?
L.C. : En tant qu’ergonome, on s’aperçoit très souvent que les postes de travail ne sont pas forcément bien conçus pour le travail à réaliser. Ce n’est pas volontaire, cela part d’une idée d’installer des gens au travail pour réaliser une activité.
Mais, très souvent, les caractéristiques de l’homme ou de la femme au travail ne sont pas forcément bien prises en compte. Le travail réel qui va être réalisé est souvent sous-estimé ou méconnu, ce qui fait que le poste ne va pas être adapté.
En ergonomie, on est souvent appelé pour essayer d’ajuster, de corriger, d’adapter dans une optique d’amélioration, pour l’humain qui y travaille.
La question qu’on se pose en tant qu’ergonome,
est comment pourrait-on travailler bien plus en amont ?
Faire du préventif plus que du curatif.
Avant les conceptions d’espace de travail et de bâtiment, faire en sorte que, connaissant bien la dimension humaine et connaissant bien le travail réel qui sera réalisé, l’on puisse limiter les écueils d’une mauvaise conception et permettre que les postes soient plus adaptés dès le départ et davantage « clé en main ». Sans cet apport de la connaissance métier, il peut y avoir des oublis dans la conception d’un lieu et on s’apercevra à la livraison qu’il manque 3 salles ou des espaces de stockage…
C’est aussi dans les liaisons, dans les détails, dans les jonctions, dans la dimension fine du travail qu’on va peut-être, en tant qu’ergonomes, essayer de pousser pour que la conception soit plus en adéquation avec le travail.
L’idée est de travailler à aider les concepteurs. Nous ne concevons pas mais aidons à la conception, grâce à la connaissance de l’humain, du travail dans toutes ses caractéristiques. Nous pouvons accompagner dans la conception des situations de travail, de manière à ce qu’elles soient moins délétères, ou en tout cas plus propices à la santé et au travail qui sera réalisé.
Il faut qu’en tant qu‘ergonome, nous puissions être impliqués dans les projets assez tôt, et non au dernier moment, pour pouvoir justement faire de la prévention en amont.
Le choix final appartiendra toujours aux personnes que l’on accompagne. Mais, très souvent, les architectes et les concepteurs doivent dessiner des choses qui ont été dictées par un cahier des charges. Et les cahiers des charges ne prennent pas suffisamment en compte les besoins des travailleurs, les besoins des utilisateurs aussi. C’est donc à nous, en ergonomie, d’essayer de travailler le plus en amont possible.
Il nous arrive aussi d’intervenir en aval, une fois les bâtiments livrés, lorsqu’il y a nécessité de réaménager une salle ou un espace de travail. Mais, nous commençons à être plus fréquemment sollicités dès les étapes de conception, ce qui est un bon indicateur que cette démarche commence à s’installer tout doucement.
« On y passe 8 h par jour, donc ça a du sens, en tant qu’entreprise, de faire en sorte que les gens puissent être bien dans leur travail. »
Il ne faut pas perdre de vue non plus que le travail et l’activité peuvent évoluer et que l’on pourra être amené à revisiter des aspects et des espaces en fonction. Il est, je pense, plus bénéfique de participer aux différentes étapes de la vie des espaces de travail de la conception à l’utilisation.