Interview Emilie Laporte
Conseillère prévention Santé Travail
Équipe PÔLE SANTÉ TRAVAIL
JDV : Qu’est-ce qui vous anime dans votre métier ?
E.L. : La volonté de pouvoir accompagner les entreprises et de leur donner des conseils pour la prévention. Des conseils adaptés à leur situation, à leurs équipes et leur métier, et pour le faire, comprendre les coulisses de ces entreprises.
JDV : Concrètement comment travaillez-vous avec ces entreprises ?
E.L. : Je commence par regarder comment cette entreprise travaille.
Est-ce que le travail est adapté aux salariés ou est-ce que ce sont les salariés qui doivent s’adapter au travail ?
Notre volonté et notre mission c’est d’éviter la souffrance, le mal-être lié au travail.
Nous regardons également les risques potentiels et les moyens, notamment pour la prévention, qui ont été mis en place. Nous avons besoin de comprendre les conditions de travail et de comprendre également les situations particulières et les spécificités de chaque métier, de chaque entreprise.
Notre objectif est de hiérarchiser ces risques. Est-ce qu’ils sont quotidiens, hebdomadaires, mensuels, trimestriels ? Quels sont les conséquences possibles, les impacts, pour la santé des personnes dans ces entreprises ?
JDV : Vous avez parlé d’une hiérarchie des risques ? Vous pouvez nous éclairer ?
E.L. : On le fait bien entendu de manière objective avec un outil mathématique, une équation :
Fréquence du risque X Gravité
Maîtrise du risque
JDV : La Maîtrise est donc essentielle pour diminuer, diviser les risques.
Comment y parvenir et développer une culture de Prévention ?
E.L. : Deux clés essentielles
1. Le management
Il est essentiel dans les entreprises pour développer une Culture de Prévention. C’est la volonté partagée par les managers de mettre l’accent sur la santé des équipes. Cela invite par exemple à savoir mettre un « coup de pied » aux habitudes ! Car très souvent, on perd totalement conscience de son environnement et des risques inhérents. Il faut très régulièrement savoir prendre du recul. Savoir se reconnecter à la vie, à l’environnement. Et être animé de la volonté de prendre soin de soi et des autres.
2. Le climat social dans l’entreprise
L’environnement de travail nous en dit beaucoup sur le climat au sein des équipes. Lorsqu’on fait le tour de l’entreprise avec l’employeur, nous ressentons et percevons la relation entre un responsable et les équipes. Mais également la relation entre les équipes. Cette relation est capitale pour chacun. Ce sont souvent des tensions entre les équipes qui amènent de la souffrance. Il est donc capital, si on veut développer une culture de prévention, de travailler le climat social au sein des équipes.
Notre mission de Conseiller en Prévention nous amène à aider, à apporter des conseils pour améliorer les conditions de travail pour la santé et le bien-être de toutes les équipes.
JDV : Est-ce que la crise sanitaire et le contexte actuel ont bouleversé le climat social dans les entreprises ?
E.L. : Ce que j’ai d’abord observé, c’est un changement de relation avec nous, Professionnels en Santé Travail. Avant la Covid, les gens nous voyaient comme une obligation !
Avec la crise sanitaire nous avons pu apporter de l’accompagnement, des conseils, par exemple, sur le télétravail. Pour ce qui est du climat social, ce n’est pas que dans les entreprises. J’ai envie de dire que c’est le climat social de toute la Société qui a été impacté.
Il y a eu des personnes qui se sont recentrées sur elles-mêmes, qui ont eu du temps pour le faire.
Il y a celles qui ont travaillé encore plus. Nous avons observé et constaté beaucoup de souffrance pour certains, liée à la peur de l’isolement, de la solitude, ou pour d’autres à la peur du vide, la peur du jugement. Depuis, beaucoup des personnes rencontrées nous disent qu’elles ont davantage pris conscience de leurs vulnérabilités.
JDV : Est-ce que le travail se transforme ? Est-ce que par exemple le temps de travail, le lieu, les modalités évoluent ?
E.L. : Quand elles le peuvent, les entreprises ont plutôt conservé de la flexibilité dans le travail.
Selon moi, 70% gardent le télétravail dans les métiers du tertiaire. Pourquoi ? D’abord parce que ça évite des charges lourdes de loyer, que ça offre la possibilité de changer de locaux pour de plus petites surfaces. Ensuite, dans les métiers où c’est possible, il y a également eu une prise de conscience que l’activité permettait le télétravail. Sans baisse de la productivité.
JDV : Comment voyez-vous l’avenir ?
E.L. : Les entreprises sont très prudentes pour la suite.
Nous savons que la crise sanitaire reste un risque et qu’à tout moment ça va peut-être re-basculer
dans des mesures de confinement par exemple. Les gestes barrières, les distanciations, l’hygiène des mains doivent rester. Il y a une fatigue des dirigeants. Il faut avoir aussi une approche humaine de ces dirigeants d’entreprises. Ils ont besoin d’être soutenus. D’être informés. De comprendre qu’il y a des moyens et des possibilités d’être aidés, comme le sont les salariés.
Lorsque l’entreprise fait ce choix du télétravail
Je recommande de maintenir les liens et le collectif.
Cette vie sociale que le télétravail ne permet pas est essentielle à l’équilibre. Il faut également apprendre à gérer et à trouver un équilibre entre la vie perso et la vie pro. Une des règles c’est de mettre un cadre. D’établir des règles de fonctionnement et de savoir vivre. Par exemple, s’interdire des réunions tard le soir. Respecter le droit à la déconnexion. Savoir aussi mettre en place de nouveaux rituels.
Conseils pour télétravailleurs « sédentaires »
1. Prenez rendez-vous avec vous-même !
Bouger ! Mettez des rendez-vous sport. L’activité sportive doit faire partie de votre emploi du temps. Allez marcher toutes les 6 heures au moins 20 minutes. Penser aussi au jardinage, à la danse, au ménage. L’essentiel c’est de bouger. De maintenir votre condition physique. Il faut aussi savoir s’aérer, respirer.
2. Surveillez votre alimentation
Maintenez les horaires de repas. Les clés de l’alimentation et d’une bonne nutrition sont la régularité. Pensez à une alimentation équilibrée. Mangez des fruits et légumes tous les jours. La moitié de votre assiette doit être composée des légumes que vous aimez, que vous supportez, qui sont adaptés pour vous. L’apport en protéines, végétales ou animales, est indispensable. Pensez aussi à consommer des céréales et un féculent. Limitez le gras, les aliments trop salés ou trop sucrés. Buvez beaucoup.