« C’est à nous de nous adapter à eux »
Interview Bruno Camus
Menuisier – Agenceur
JDV : Quelle est la particularité de cette entreprise ?
B.C. : Cette entreprise est très en avance par rapport aux jeunes, c’est le point fort de l’entreprise et notre particularité. Il y a beaucoup d’apprentis et de stagiaires. C’est à nous de trouver le moyen de travailler avec eux. Il y a quasiment la moitié d’apprentis, de stagiaires, et l’autre moitié d’ouvriers qualifiés.
JDV : Est-ce une complexité supplémentaire d’avoir autant d’apprentis ou de stagiaires ?
B.C. : D’une certaine façon, oui, quand même. Parce que les jeunes, ils ont leur propre point de vue.
C’est complètement différent de ce que nous avons connu auparavant. Donc c’est aussi à nous de nous adapter à eux. Ça nous ralentit un petit peu dans notre travail. Ça nous ralentit parce que nous sommes obligés d’être vigilants, aussi bien sur la sécurité, que sur le travail en lui-même.
« Ça nous remet au point par rapport à ce que nous savons de la sécurité. Ça nous permet de revoir les dangers, puis de mettre en pratique la sécurité pour eux. »
On ne les laisse pas s’aventurer sur les machines sans les former et sans savoir s’ils en ont déjà connaissance ou pas. Quand ils sortent de l’école, on ne connaît pas les compétences qu’ils ont vraiment acquises, au niveau des outils, des machines. « On préfère avoir une sécurité réelle, c’est-à-dire être là pour savoir s’ils sont capables de gérer eux-mêmes ce genre de machines ou pas. »
JDV : Qu’est-ce qui a changé par rapport à vos débuts ?
B.C. : Quand j’étais plus jeune et que je devais faire un stage, j’étais tout seul. Il n’y avait pas d’autres stagiaires. Les patrons ne prenaient pas autant de jeunes, ce n’était pas dans leur façon de faire. Pour eux, c’était plus ou moins une perte de temps parce qu’il fallait que ça aille vite. La mentalité est complètement différente aujourd’hui dans les entreprises.
JDV : Au niveau de l’équipe, comment fonctionnez-vous ?
B.C. : Il y a les gens comme moi, c’est-à-dire les « qualifiés », les « séniors » qui seront là pour surveiller le projet, voir s’il se déroule bien. Nous ne leur donnons pas les parties trop complexes. C’est plus notre partie. Ils auront des tâches qui demandent moins de réflexion. Il faut plusieurs années de métier pour réussir un meuble comme celui-ci par exemple.
JDV : Est-ce que vous voyez une évolution dans la mentalité des jeunes aujourd’hui ?
B.C. : Les jeunes travaillent à leur façon, il n’y a pas d’urgence. Il vaut mieux aller dans leur sens que dans l’autre. Parce qu’en fait, ils relativisent davantage. Si on les bouscule trop, ça ne va plus, ils perdent leurs repères. Il vaut mieux aller dans leur sens et après avoir une bonne explication tranquille ensemble.
JDV : Il y a un retour des métiers de l’artisanat ?
B.C. : Que ce soit pour les jeunes, ou même les moins jeunes, les gens qui ont déjà travaillé, qui se reconvertissent dans ce métier-là sont plus nombreux. C’est un métier qui est très demandé, qui revient en force…
JDV : Travaillez-vous dans un climat positif ?
B.C. : Vous voyez, les jeunes commencent à préparer le chargement pour demain. Il y a une personne qui pilote tout ça et après, ils font leur partie, on leur fait confiance. Tous les matins, on boit le café ensemble, on discute. Même dans les bureaux, on discute avec les gens. Tout le monde se connaît.
Tous les jeunes que je vois dans l’entreprise ont le sourire le matin, et c’est le principal. Entre nous, il y a toujours une bonne ambiance. Dès qu’il y a besoin d’un coup de main, on est là. S’il y a un problème, on préfère qu’ils nous en parlent. On cherchera une solution ensemble. C’est ce qui fait notre point fort aussi dans l’entreprise.