» Il y a désormais des questions de vie qui sont posées. »

Laetitia Couderc
Ergonome Santé Travail – ÉQUIPE PÔLE SANTÉ TRAVAIL

JDV : Comment le rapport au travail est-il en train d’évoluer selon vous ?
L.C. : C’est surtout le rapport à la dimension vie professionnelle – vie personnelle qui est en train d’évoluer.
Les gens ont envie d’avoir du temps de travail qualitatif, qui n’empiète pas forcément sur le temps personnel.
C’est d’ailleurs en contradiction avec le télétravail et ses difficultés à séparer le pro et le perso. Ce qui change aussi, c’est que dans des métiers comme ceux de l’artisanat, ou pour les chefs d’entreprise qui passent traditionnellement beaucoup de temps dans leur structure, il y a aussi une évolution.
Il y a désormais des questions de vie qui sont posées.
On se demande quelle vie on veut, et en fonction de la vie qu’on souhaite ou qu’on imagine, chacun revoit sa position
et son engagement sur son activité

JDV : Quel regard portez-vous sur l’évolution des attentes des nouvelles générations ?
L.C. : On voit bien qu’actuellement le recrutement, l’attractivité des postes et la fidélisation des salariés sont difficiles. Il y a des conditions de travail dans des métiers, des activités qui sollicitent beaucoup et qui ne sont plus du tout en adéquation avec les valeurs, ou en tout cas les souhaits, de la société actuelle.
Si on prend l’exemple de la restauration, les gens n’ont plus envie, de travailler autant de week-ends, de travailler aussi tard le soir ou d’avoir des semaines un peu écourtées, parce qu’il y a des remplacements.
Je pense aussi que la question de l’absentéisme a un impact très très important sur le présentéisme, et donc, sur les conditions de travail des gens présents. Si l’on prend un métier comme le ménage, par exemple, l’entretien des chambres dans des hôtels, il est de plus en plus difficile de recruter, de fidéliser. Le métier est sollicitant physiquement.
Psychiquement, il y a aussi la dimension d’être toujours attentif, que ce soit toujours très propre, très vite, tout le temps. C’est difficile et il faut aider à transformer les activités.

JDV : Comment pensez-vous qu’il faille repenser les postes ?
L.C. : Dans notre service et en tant qu’ergonomes, on se rend compte que pour que ça aille bien dans un poste de travail, il faut que les postes soient réfléchis et conçus pour que, physiquement comme psychiquement, cela se passe bien, que le poste soit suffisamment intéressant et nourrissant pour qu’on ait envie de le faire.
Il faut que le poste soit pensé et délimité, pour que la charge de travail soit réalisable, de façon pérenne. Pas forcément pérenne sur 40 ans, puis qu’aujourd’hui, on se projette beaucoup moins sur de telles durées dans une vie professionnelle, mais en tous cas, il faut que le poste soit réaliste et en accord avec les capacités de l’être humain au travail et dans le respect de ses limites physiques et psychiques.

La limite doit être au niveau de ce que les salariés sont en capacité de faire dans de bonnes conditions, individuellement, collectivement, et dans le respect de la planète, avec la question de l’écologie en phare et en soutien.

JDV : Quels sont les avantages et les inconvénients d’un management horizontal ?
L.C. : Les avantages, justement, c’est la question du sens. Elle est posée parce que, de fait, ça implique tout le monde. Chacun va être force de proposition et va pouvoir avoir un avis et aussi une responsabilité.

Le management horizontal est en adéquation avec la société actuelle dans ce qu’on appelle de la démocratie participative.

Pour ceux qui aspirent à ça, cela peut fonctionner et ça permet d’avoir des discussions et des échanges, de mettre le travail en débat. Pour autant, et c’est là que les inconvénients peuvent émerger, se pose la question de « qui tranche ? ». Quelles décisions sont prises et à quelle vitesse ? L’écueil : les gens peuvent se noyer dans les temps d’échanges, sans aboutir à une prise de décision. Sur une idée de départ qui fonctionne bien, si de fait le cadre n’est pas posé, cela peut être compliqué au sein des équipes.

Est-ce que c’est un vote ? Est-ce que c’est à main levée ?

Les entreprises qui ont adopté ce mode de fonctionnement ne savent pas forcément répondre et on constate que les démarches ne sont pas abouties. Choisir, c’est renoncer effectivement à quelque chose, mais pour ouvrir autre chose. Tant que les choix ne sont pas posés, les sujets restent en suspend.

Il n’y a pas de bon ou mauvais modèle. La question essentielle c’est de commencer quelque chose, de terminer ce quelque chose ! D’avoir un début, un milieu, une fin et une décision.

L’autre écueil éventuel : c’est que beaucoup de gens ne veulent pas du management horizontal. C’est une réalité. Il y a des gens qui n’ont pas forcément envie d’avoir plus de responsabilités, plus de décisions à prendre et donc, finalement , plus de sollicitations. Ce qui doit s’entendre et doit être respecté.

JDV : Quels sont les avantages et les inconvénients d’un management vertical ?
L.C. : Le management vertical peut avoir un mode de fonctionnement plus directif qui peut convenir à certaines personnes. Le fait d’avoir des décisions, un cadre. Le piège c’est « Je décide en haut dans les bureaux sans forcément voir le terrain. » L’écueil : le manque de connaissance du terrain et, de fait, le manque d’informations avant la prise de décision. La prise de décision risque alors de ne pas être bonne au regard du terrain.

La verticalité peut créer une distance, au fur et à mesure, entre les travailleurs et le management, ou la gouvernance de l’entreprise.