Interview avec Laetitia Couderc
Ergonome Santé Travail

L. : Nous avons des congés payés depuis 1936 je crois !
Certaines entreprises arrivent à s’organiser et ne pas subir les périodes d’absences.
D’autres non ! Pourquoi faut-il s’organiser et anticiper ? Durant l’été on en arrive souvent à des organisations qui ne sont pas tenables. On doit combler des absences, certains se baladent d’un service à l’autre, on ne peut plus garantir le même niveau de qualité de service, la pression monte ! Il y a moins de monde et l’impact sur le présentéisme est important !
Parmi les métiers les plus vulnérables on trouve par exemple les maisons de retraite, les hôpitaux, les services d’aide à la personne…Les métiers du tertiaire ne sont pas épargnés non plus !
Il faut avoir conscience que ceux qui restent ne peuvent pas faire 2 fois plus sans s’user.

JDV : Comment anticiper ?

L. : Commencer par compter pour réaliser le nombre de semaines où vous risquez d’être impacté !
Prendre conscience de l’impact des congés, c’est déjà un très grand pas !
Ensuite, identifiez les besoins de renforts dont vous allez avoir besoin pendant l’été. Si vous ne pouvez pas en avoir, prévoyez dans ce cas une nouvelle organisation. Diminuez par exemple l’exigence temps et les promesses faites aux clients sur les temps de livraison ou les temps de réalisation. C’est un exemple ! Les mesures à mettre en place sont forcément contextualisées à votre métier, à vos contraintes.

JDV : Quelles conséquences d’une organisation déréglée ?

L. : En premier lieu la montée de la pression et l’arrivée des tensions internes. Ensuite la dégradation de la qualité, à ne pas sous estimer non plus. Personne n’aime « mal travailler ». Nous avons besoin de nous accomplir dans ce que nous réalisons et lorsqu’on a le sentiment de mal travailler, la frustration grandit. Enfin, le travail en mode flux tendu augmente les risques de frustration et le sentiment de perte de sens.

JDV : Transformation du travail…Pourquoi, comment et quels enjeux dans les prochaines années ?

L. : Le travail est lié à nos modes de consommation. Les évolutions actuelles, les nouveaux modes de vie, la nouvelle sociologie, les nouvelles politiques, les nouvelles générations au travail, nous avons la responsabilité d’informer, de sensibiliser, d’anticiper les changements pour s’adapter, apporter les conseils. L’enjeu dans les 5 prochaines années est avant tout environnemental. Nous allons devoir changer notre relation à l’autre et à la planète. Parce que l’un ne va pas sans l’autre. Je crois à une approche globale.

JDV : Comment réussir les transformations ?

L. : Si le lien social fonctionne bien alors les transformations peuvent se faire. Le lien social est vital pour travailler, c’est ce qui va nous nourrir dans la durée. L’enjeu va être de recaler les gens sur de la projection, être plus acteur et moins subir.

JDV : Que penser des nouveaux modèles d’organisation ?

L. : On voit de nouveaux modèles émerger qui sont à observer comme les nouveaux modèles d’entreprises libérées. Mais attention. On ne peut pas changer une organisation tous les 6 mois ! On a besoin aussi de s’ancrer dans des choses pérennes. Je constate que les RPS arrivent à un moment où l’on ressent une perte de sens, où l’on n’a plus la main, où l’on a le sentiment de ne plus être acteur. Nous sommes beaucoup dans la tertiarisation. Nous travaillons de moins en moins avec nos mains ! Ça m’interroge sur les métiers de demain dans des environnements qui se tertiarisent de plus en plus.