Interview Damien D. Addictologue
Protéger les jeunes est l’un des défis majeurs
du plan national de la mobilisation contre les addictions

Jdv : Plus de 450 000 apprentis vont découvrir le monde du travail et de l’entreprise. En quoi ces jeunes sont-ils vulnérables quand ils arrivent dans le monde du travail ?

D. : La rentrée pour beaucoup de jeunes apprentis signifie la reprise d’une activité estudiantine qui comprend une partie d’enseignement, combinée à une partie en entreprise. Il y a donc une exigence liée au milieu étudiant, mais aussi une inconnue qu’est l’entreprise et qui peut générer du stress.

Nous devons être attentifs à ceux qui démarrent leur vie d’apprentissage parce qu’ils portent la charge d’un enseignement nouveau associé à des règles d’entreprises qu’ils découvrent (horaires de travail, hiérarchie, collègues, déjeuner plus ou moins conviviaux selon les structures…).

L’offre que nous pouvons leur proposer en santé au travail est souvent méconnue. En tant que médecin du travail, nous rencontrons ces jeunes au démarrage, mais s’il n’existe pas de risques particuliers ils sont ensuite vus tous les 5 ans, ce qui signifie qu’on ne les reverra pas avant qu’il n’entre dans la vie active. Je pense qu’il est important qu’un jeune apprenti soit revu avant la fin de son apprentissage, cela nous permettrait de faire un point avec lui et nous pourrions en tirer des enseignements sur les vulnérabilités auxquelles il a pu être confronté.

Jdv : Vous parliez de stress quand on découvre le monde de l’entreprise. Est-ce un des facteurs qui peut rendre le jeune plus vulnérable à des conduites à risque ?

D. : Les facteurs psychologiques sont importants et nous ne sommes pas tous égaux devant l’effet du produit sur notre psychisme, selon que l’on soit plus ou moins tendu. L’incidence des habitudes familiales, l’influence du cercle amical et de sa consommation ou encore les activités associatives et les milieux sportifs où l’on retrouve des pratiques « plaisirs » et « festives » dans lesquelles il peut exister une certaine forme de tolérance à la consommation à risque…
Ce qui est paradoxal, c’est que ce sont bien souvent les jeunes qui devraient le plus mesurer leur consommation qui sont ceux à qui le « produit », quel qu’il soit, provoque le plus de plaisir. Dans ce cas il est difficile de leur faire prendre conscience de la nécessité de changer leur consommation. Une activité addictologique telle que les jeux vidéos peut générer du plaisir et donc rendre la prise de conscience de l’addiction compliquée. Cela nécessite alors du temps et des intervenants pour établir un bilan positif et négatif des effets que cela engendre.

Le processus c’est que notre cerveau enregistre ce qui le fait se sentir mieux,
au plus je vais pratiquer quelque chose qui me fait du bien
au plus mon cerveau va enregistrer que ça me fait du bien.

Par exemple un enfant qui aurait passé une mauvaise journée et que les parents réconforteraient en le mettant devant un écran et en lui donnant une boisson sucrée, son cerveau va enregistrer le lien de réconfort associé à ces deux actions. Nous ne sommes pas dans l’attention à l’autre, nous sommes dans une éducation trop normée. Dans la méthode Montessori on adapte le rythme aux possibilités du jeune et un même cursus peut prendre 1 ou 3 ans, peu importe la finalité est la même, le jeune aura atteint le niveau d’apprentissage quel que soit le temps mis.

PARMI LES ÉTUDIANTS ACTIFS, SUR UNE SEMAINE TRAVAILLÉE

%

occupent leur poste 3 jours ou plus…
… pour une durée de travail hebdomadaire d’en moyenne

28h45

Pour plus d’un étudiant qui travaille sur deux (56%), l’activité qu’il exerce a un lien avec ses études. C’est surtout le cas pour ceux qui sont en apprentissage ou en stage, ou les salariés étudiants, pour qui les périodes de travail font partie intégrante de la formation.*

Je pense qu’il y a lieu de s’interroger sur le contexte qui amène à ces situations d’addictions, la surcharge de travail, la compétition, le stress, la pression exercée par le manque de patience de certains maîtres de stages qui ne comprennent pas qu’un apprenti est là pour apprendre, créent pour les plus fragiles quelque chose qu’ils vont traiter par la prise de « produits ».

 Certains milieux familiaux exerçant par exemple une pression financière peuvent également se révéler toxiques pour un jeune. Des jeunes apprentis contraints de travailler en plus en restauration rapide et de donner des cours ça existe !

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LIRE LA DEUXIÈME PARTIE DE L’INTERVIEW DE DAMIEN D. ADDICTOLOGUE