Retrouver du lien et du dialogue dans le collectif.

Juliette Loez
Psychologue du Travail – ÉQUIPE PÔLE SANTÉ TRAVAIL

En tant que Psychologues du Travail, nos interventions au niveau du collectif se réalisent souvent en prévention dite secondaire ou tertiaire, autrement dit, lorsque la situation est déjà partiellement dégradée et que les salariés commencent à exprimer ou présentent de réels signes de souffrance au travail.

Notre rôle va alors consister à accompagner ces collectifs dans le partage et l’expression des difficultés vécues et dans l’analyse des facteurs en cause. Ces interventions, plutôt d’ordre curatif, ont pour objectif de réparer des blessures morales et d’identifier ce qui, dans le travail, peut faire souffrir.

Cela peut être, par exemple, dans une équipe en tension, depuis de nombreuses années, où les conditions de travail se sont dégradées et des clans sclérosent le travail d’équipe. Dans ce cas précis, nous proposerons une action de médiation collective pour qu’ils tentent, avec notre soutien, de retrouver les liens et le dialogue au sein du collectif.

Comment se déroule une médiation avec un Psychologue du Travail ?

Pour bien comprendre, définissons tout d’abord la médiation : il s’agit d’un processus spécifique qui permet à des personnes en situation de conflit de trouver, par eux-mêmes, une solution à leurs difficultés.

Les médiateurs sont des tiers, forcément neutres et indépendants, qui accompagnent ce processus. Ils organisent la prise de parole, permettent à chaque acteur de faire entendre son point de vue en tant qu’individu singulier, et, aident à élaborer des solutions équitables et satisfaisantes pour tous.

Pour cela, ils veillent au cadre de l’échange, font part de leurs interrogations, et s’efforcent de n’exercer aucun pouvoir de décision, de ne pas prendre parti, de respecter les lieux d’exercice de l’autorité. La rencontre ne prétend pas prendre leur place, mais est un véritable « pas de côté ».

Chez Pôle Santé Travail, au sein du service psychologie, nous sommes plusieurs à être formés en médiation collective.
Ce type de médiation se distingue d’une médiation « classique », qui se déroulerait entre deux individus en conflit. Il s’agit là de considérer la dimension plus systémique dans laquelle évolue une situation de conflit au travail. En effet, souvent un conflit s’inscrit dans un contexte qui, indirectement, permet à la situation de perdurer.

Notre rôle consiste alors à identifier le périmètre, autrement dit, les acteurs concernés, directement ou indirectement dans l’existence du conflit, et de les réunir pour tenter de renouer du dialogue, de récréer des liens fortement dégradés voire parfois rompus. Le nombre de participants peut varier d’une situation à l’autre entre 3 et une vingtaine de personnes. Pour animer de tels échanges et considérer la dynamique de groupe, les médiateurs sont toujours en binôme.

Dans la mise en œuvre concrète d’une médiation, il y a plusieurs étapes :

1. La première est préparatoire, et, a pour objectif de s’assurer que les conditions sont réunies pour envisager la médiation collective. Elle se traduit par la rencontre des commanditaires qui, dans l’entreprise, sont à l’origine de la demande.

Si les conditions sont favorables, alors une invitation est transmise aux salariés concernés et une convention est signée par l’employeur, sur le respect du cadre d’intervention propre à la médiation.

2. La deuxième étape, est l’occasion pour les médiateurs de rencontrer les acteurs, d’abord collectivement pour leur présenter la démarche de médiation, puis, individuellement afin d’obtenir, ou non, leur accord sur la proposition de médiation. Après ces rencontres individuelles, un troisième temps en collectif est organisé pour leur faire le retour des conclusions sur la poursuite, ou non, de la démarche.

À ce stade tout peut donc s’arrêter si les médiateurs estiment que, du côté des acteurs, les conditions de la médiation ne sont pas réunies.

3. À l’inverse si les conditions sont favorables nous évoluons vers la 3ème étape, à savoir, la médiation à proprement parlé. Elle s’organise sur une journée complète ou plusieurs demi-journées, selon les possibilités. La médiation offre à chacun un espace libre d’expression, dans le respect et selon des règles de communication, pour faire émerger les représentations,  rétablir des liens entre les acteurs et permettre à chacun d’entendre ce qui est important pour lui.

À l’issue des échanges, les acteurs se mettent d’accord sur les éléments qui seront partagés à l’extérieur et peuvent rédiger un « protocole de fin de médiation ».

4. La dernière étape se résume à suivre la situation « à chaud », c’est-à-dire quelques jours après la médiation, pour présenter aux commanditaires, avec les acteurs, les éléments évoqués durant les échanges et les éventuelles actions à mettre en œuvre, pour rétablir des relations plus sereines.

Un suivi « à froid », quelques mois plus tard, est également proposé pour voir l’évolution de la situation dans le temps, les actions menées et les résultats observés.