Tendre vers le risque zéro…
Interview Médecin du Travail Chantal M. & Virginie C.

JDV : Quelle est d’après vous la première mission des Services de Santé au Travail ?
C. & V. : Pour moi, la première mission des Services de Santé au travail est de réaliser de la prévention collective en intervenant en entreprise pour évaluer les risques et donner des conseils de prévention afin d’éviter une altération de la santé des salariés. Mais c’est aussi une activité auprès du salarié en entretien individuel pour avoir son ressenti au travail, son état de santé et savoir quel comportement il a vis-à-vis des E.P.I qui sont mis à sa disposition.

JDV : Vous êtes référante en « Risques infectieux » pouvez-vous m’expliquer ce terme ?
C. & V. : On appelle risque infectieux le contact de l’organisme avec un agent potentiellement infectieux (qu’il soit bactérien, viral ou même un champignon) qui puisse être pathogène pour l’organisme quand celui-ci est fragilisé. On a connu des épisodes comme le S.R.A.S (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) ou H1N1 (Nouveau virus de la grippe A d’origine porcine, aviaire et humaine) qui ont nécessité des plans de prévention et de continuité de l’activité mobilisants pour les Services Publics et les Services de Santé en entreprise.

JDV : Y-a-t-il des métiers plus particulièrement exposés ?
C. & V. :  Je suis référante en risques infectieux depuis une quinzaine d’années, je participe au G.E.R.E.S (Groupe d’Études sur le Risque D’Exposition des Soignants aux agents infectieux). Une fois par an a lieu la mise à jour des actualités virales et bactériennes auprès des soignants.

Le personnel de soins est particulièrement exposé aux risques de contamination, mais tous les métiers en contact avec le public le sont aussi les crèches, les commerces, les professionnels du social, les établissements de personnes handicapées qui sont plus vulnérables…

Les métiers du BTP et les métiers en extérieur sont exposés également parce que les intempéries et le froid peuvent fragiliser l’organisme. Tous les métiers forestiers et les gens qui travaillent dans les égouts sont exposés à la Leptospirose : une bactérie, qui est soit véhiculée par les morsures de rats ou leurs urines présentes dans une eau souillée. Cette infection peut entraîner de graves hémorragies. Les métiers qui nécessitent des missions à l’étranger sont eux aussi exposés. Le risque infectieux dépend du pays dans lequel on doit se rendre, cela peut être la fièvre jaune, l’hépatite A, la fièvre typhoïde. D’un point de vue général, toute personne dont le système immunitaire est affaiblit est plus sujette aux risques infectieux (diabétiques, asthmatiques, personnes sous chimiothérapies…)

JDV : Existe t-il des conditions favorables au développement des virus ?
C. & V. : En France il y a plutôt moins de virus l’été que l’hiver parce qu’ils se développent dans les milieux froids et humides, et dans les milieux confinés.
Les plus répandus sont vecteurs de : la grippe, les gastro-entérites, les bronchites, les angines, les rhumes, les virus respiratoires…
L’été c’est plutôt dans les pays étrangers et se sont surtout les moustiques qui se développent dans les milieux chauds et humides qui transmettent : le chikungunya, le zika, la dengue ou le paludisme.

JDV : Comment prévenir ces risques infectieux ?
C. & V. : La meilleure prévention demeure la prévention collective et individuelle, puis la vaccination quand elle est possible. Elle a entrainé un arrêt de certaines pathologies comme la variole. Mais les gens ne sont pas sensibilisés surtout en ville, les Médecins Traitants ont du mal à adhérer aux politiques vaccinales et effectuent rarement le suivi vaccinal. On constate un retour de certaines pathologies comme la diphtérie, la Coqueluche qui prouvent que la situation est très précaire.

Depuis H1N1 la couverture vaccinale contre la grippe a fortement diminué alors même que celle-ci cause encore 13 000 décès par an.

Nous rencontrons une réelle difficulté dans le suivi vaccinal, c’est très compliqué d’obtenir les carnets des salariés. Avec notre nouvel outil, si le salarié change d’entreprise en restant suivi par le PÔLE SANTÉ TRAVAIL nous avons désormais la possibilité d’accéder aux vaccinations faites. Malheureusement il n’est pas commun à tous les Services Santé Travail. Nous espérons que ce sera le cas avec le Dossier Médical Partagé et que nous serons intégrés au process.

Il existe des vaccinations obligatoires pour la DT Polio et l’hépatite B pour le milieu de soins.

Pour prévenir de la Leptospirose dont je parlais tout à l’heure, il convient de porter ses E.P.I (gants et bottes) pour éviter la contamination, la vaccination existe également.
Concernant l’hépatite A, la fièvre typhoïde ou la fièvre jaune, l’Institut Pasteur est à même de vacciner les salariés en collaboration avec l’employeur. Pour les maladies infectieuses transmises par les moustiques, il convient d’utiliser un moyen préventif anti-vectoriel de type répulsif. Plus spécifiquement contre le paludisme, il existe des traitements préventifs.

JDV : Comment le PÔLE SANTÉ TRAVAIL peut accompagner les entreprises sur les risques infectieux ?

C. & V. : Nous pouvons préconiser aux salariés certaines vaccinations en fonction de leur activité et vulnérabilités et les orienter vers leur médecin généraliste.
Nous arrivons facilement à mettre en place les campagnes vaccinales pour la grippe avec acceptation de l’employeur, nous disposons d’un protocole avec des fiches d’informations employeurs dédiées à être présentées en C.S.S.C.T. D’autres fiches sont à destination des salariés, elles expliquent les bienfaits du vaccin, les différentes souches qui le composent, mais aussi les potentiels effets secondaires.

Concernant la grippe, depuis un an les Infirmières et Infirmières en Santé Travail sont habilitées au même titre que les médecins à effectuer l’injection du vaccin pour la primovaccination.

En tant qu’Infirmières en Santé Travail nous vérifions lors des visites salariés que leur métier ne nécessite pas de vaccination obligatoire et nous lui en stipulons la fréquence à respecter. Si le salarié n’est pas à jour, nous avons l’autorisation de notre Médecin du Travail sur protocole de faire un courrier au Médecin traitant pour lui demander d’assurer la mise à jour vaccinale.

Nous rencontrons au moins une fois par an, un cas de salarié infecté par la tuberculose et dans certains cas par une forme de tuberculose multi-résistante pouvant parfois provenir des pays de l’Est. Dans ce cas, nous sommes fortement sollicités par l’entreprise car cela nécessite une prise en charge de l’ensemble des salariés de l’entreprise que nous effectuons avec des Infirmières et des Pneumologues du C.L.A.T (Centre de Lutte Anti-Tuberculeuse)

Un protocole de suivi des collaborateurs qui ont été en contact dans les 3 mois précédents avec le salarié contaminé doit être mis en place. Ils doivent avoir un suivi thoracique et effectuer des tubertests ou prise de sang. Nous effectuons un point sur la vaccination de chaque salarié, nous vérifions si nous disposons de radios pulmonaires récentes.

Même si notre mission est de l’ordre de la santé au travail dès que nous le pouvons nous sensibilisons sur des domaines de santé publique. Concernant le retour de la coqueluche par exemple nous parvenons à sensibiliser les salariés qui ont un désir de maternité ou de paternité.

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