RPS & Monde du travail

Interview de Thibault C.
Psychologue du travail & Intervenant en prévention des risques professionnels

JDV : Pour en finir avec les RPS, ils traduisent une nouvelle réalité du monde du travail. Peuvent-ils en cela contribuer à faire naître de nouvelles réponses, une nouvelle culture de prévention par exemple ? 
T.C. : Les RPS, selon moi, c’est une nouvelle clé de lecture commune. Les mêmes lunettes pour parler des mêmes choses !
Ça doit nous permettre de comparer des situations pour comprendre que derrière chacune les réalités sont différentes.Cesser d’analyser de manière mécanique. Comprendre, par exemple, que les attentes d’un collaborateur ne collent pas avec la promotion qui lui est proposée. Qui ose refuser une promotion ? Mais est-ce qu’on est sûr de bien connaître les compétences du collaborateur en n’oubliant pas de considérer aussi son savoir-être ?
On doit aussi se poser la question de l’intelligence émotionnelle de l’individu.

Le management des équipes ne peut se réduire à du fonctionnel. Les managers doivent être formés à ces approches car ce sont les premiers préventeurs des RPS.

 

JDV : Est-ce que le télétravail peut être une réponse possible pour réduire la montée de l’épuisement professionnel ?
T.C. : Le télétravail c’est un super outil mais ça a plutôt augmenté le nombre de procédures pour réaliser sa tâche. Ce qui implique une nouvelle montée de la charge mentale.

À ce jour, les dynamiques mises en place dans les entreprises l’ont été de manière subie. Ce qu’on entend et ce qu’on nous dit par exemple : « On n’a jamais eu autant d’échanges mais avec une perte de qualité dans les échanges et une perte de qualité dans la relation. Les nouveaux outils pour réaliser les visios rajoutent de la complexité et si on n’est pas à l’aise avec, on se sent exclu et on ne fait pas partie de l’échange et du groupe. »

On a d’ailleurs pu remarquer que certains salariés qui sont repartis dans leurs entreprises après le premier confinement ont constaté une perte de proximité avec certains collègues. Ils ne faisaient plus partie du groupe car absents de la communauté web qui interagissait en permanence. Ils ont été exclus du groupe !

 

JDV : Vous avez commencé à parler de management et affirmé que les managers sont les 1ers préventeurs des RPS. Un moment clé dans l’année pour entendre, comprendre le salarié c’est l’entretien annuel. Comment le mener pour ne pas tomber dans un moment d’évaluation mais bien dans un moment qui pourrait contribuer à développer cette culture de prévention ?


T.C. : Les managers et les entreprises confondent très souvent entretien annuel et entretien de professionnalisation.
L’entretien de professionnalisation, je rappelle qu’il est obligatoire, et qu’il a d’abord et avant tout pour vocation le recueil des besoins de l’individu pour se développer, progresser, s’épanouir et réussir professionnellement. Les managers manquent très souvent de formation pour apprendre à mener ces entretiens. L’entretien professionnel est un acte clé du management dans l’entreprise. Au plan collectif, il constitue un pilier de la gestion des ressources humaines de l’entreprise et le cadre d’exercice de sa responsabilité en matière de formation. Il prépare le salarié à être acteur de son évolution professionnelle.

Le premier conseil à donner c’est de mener ces entretiens professionnels de manière positive et constructive. Plutôt que de juger, condamner, évaluer la personne, il faut entrer en mode échange sur le travail. Et rien que le travail !

Par exemple : plutôt que de reprocher un manque de productivité, dire : « J’ai constaté que tu n’avais pas atteint les objectifs sur telle ou telle tâche ou tel projet. Pourrais-tu m’expliquer pourquoi pour qu’on puisse régler cela ensemble ?
J’ai remarqué que tu arrivais en retard tous les matins.
Peux-tu m’expliquer ce qui ne te permet pas d’arriver à l’heure ?
As-tu des contraintes particulières ?
On a obtenu tels et tels résultats. Ce qui est déjà bien.
Comment peut-on faire pour que ça se passe encore mieux ? »

L’autorité doit exister. Les règles et le cadre également. Ils sont nécessaires à la vie collective et sociale. Mais on doit aussi comprendre le pourquoi des actions ou des règles. Donner le sens. Réguler et aider à l’atteinte des objectifs. Changer les clés de lecture.

Un entretien professionnel mené de manière négative peut aboutir à un dysfonctionnement relationnel. Une dévalorisation et une perte de confiance de l’individu. Un manque de reconnaissance, voire une humiliation, dont on ne se remet pas. Ce qui peut entraîner une souffrance dans un collectif !

2 EXTRÊMES – 2 SYSTÈMES

HIÉRARCHIE
SYSTÈME PYRAMIDAL
Dur mais juste

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RÉGULARITÉ
REPÈRES SOLIDES

APLANI
ENTREPRISE « LIBÉRÉE »

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 DILUTION DE LA RESPONSABILITÉ
DÉLITEMENT DU COLLECTIF

Cette crise sanitaire c’est un coup d’arrêt qui entraîne une crise identitaire, une crise culturelle et sociétale ! C’est un nouveau prisme pour le monde du travail. De nouveaux comportements émergent. Des conflits de valeurs entre vie pro et perso. De nouvelles relations et de nouveaux rapports sociaux.
Un des enjeux est de repenser les organisations de travail.
Le second enjeu, c’est la capacité de s’adapter pour le management qui doit être facilitateur et régulateur. Nous devons repenser le collectif de travail !