Une maison à gerer !

Interview Anne-Louise Morel, Responsable RH, EHPAD La Fleur de L’Âge

JDV : Quels moyens et leviers avez-vous pour faciliter la vie et le métier des soignants ?

A-L.M. : Pour la prise en soins des résidents, cela nécessite un travail physique : le soulèvement ou les toilettes. Avec les aides techniques, on arrive à pallier à pas mal de contraintes. Vous êtes totalement capable aujourd’hui, avec les draps ultra-glisses, les planches de transfert, les disques de transfert, de limiter les ontraintes.

Il faut accompagner avec de la formation, former les agents en interne sur ce type de techniques et acheter le matériel nécessaire.

On arrive aussi globalement à diminuer les accidents du travail. Nous nous sommes engagés dans une démarche d’études ergonomiques des postes avec PÔLE SANTÉ TRAVAIL. L’équipe d’ergonomes a rencontré les agents depuis le mois de juin. Cela consiste à analyser le travail et ils feront un retour, sous peu, pour en discuter et voir quels aménagements seraient possibles.

À l’issue de la première année du COVID, nous avons eu beaucoup d’appels à projets sur la qualité de vie au travail et notamment sur la dotation en équipements. Ces projets sont en cours d’étude par les organismes et nous avons pu déjà obtenir des fonds pour la réalisation d’une cuisine thérapeutique, ou d’une salle de sport.

Nous allons également amplifier les formations inter-équipes ou intra-équipes, des formations sur la communication ou le développement personnel par exemple.

Il faut se lancer dans un projet à la fois. Mais il est vrai que nous avons eu une prise de conscience globale que le métier de l’EHPAD est difficile et qu’il faut faire le maximum pour améliorer les conditions de vie et les conditions de travail des soignants. Et ça ne se fait pas que chez nous.
Tous les EHPAD et hôpitaux sont concernés . Nous prenons en compte les soignants et leurs difficultés.

JDV : Justement vous parlez d’un métier difficile. Quels sont les leviers pour donner envie de venir travailler en EHPAD ?

A-L.M. : Nous concernant, quand nous avons des candidats, nous arrivons à nous démarquer. Nous avons des forces dans cet établissement !

Nous avons énormément de matériel à disposition grâce aux financements obtenus et choisis par la direction et les équipes. Nous avons par ailleurs pu obtenir ces dernières années des rails dans les chambres. Nous avons pu motoriser en effet individuellement une première aile qui était forte en demande de prise en soin. Ce matériel-là, quand vous venez d’un autre établissement qui n’est pas forcément aussi bien doté, c’est confortable. La réfection dimininue la pénibilité au travail.

On investit aussi dans les locaux, avec des décorations thématiques qui sont agréables aussi bien pour les résidents que le personnel. Le personnel est assez fier de ce nous pouvons proposer, parce que c’est valorisant. Nous sommes engagés sur les formations, la volonté de former, y compris sur les reconversions pour les projets personnels.

Nous essayons également d’améliorer les conditions de travail, en termes d’horaires, pour essayer de nous adapter et de développer de la flexibilité. Les horaires sont partagés un mois à l’avance et, durant ce mois, les équipes peuvent faire les modifications, les aménagements nécessaires par rapport à leur vie personnelle. Bien sûr dans le respect de la législation du travail.

Ce sont des actions qui développent la qualité de vie au travail et les leviers pour fidéliser.

Anne-Sophie PENNEL, Aide-soignante CHRU de Lille

« Cela fait 20 ans que je travaille en tant qu’aide-soignante en gériatrie, et il y a une chose que j’ai pu constater. Il y a deux périodes dans l’année pendant lesquelles les équipes sont tendues : celle qui précède les congés d’été et la fin d’année… À cela s’ajoutent, depuis bientôt deux ans, la pandémie de COVID et toutes ses contraintes… Les courtes journées, le manque de lumière, ont un impact sur la population. D’autant plus pour nous soignants qui avons un métier pénible, avec des horaires décalés qui engendrent de la fatigue morale et physique, du stress…

Le contexte COVID accentue ce stress dans un climat suspicieux. Dès qu’un patient ou un soignant présente des symptômes, des tests PCR sont réalisés. Dans le cas d’un patient positif, nous entrons dans une prise en charge spécifique chronophage et anxiogène, et dans le cas du soignant positif, ce dernier est amené à rester chez lui avec, parfois, un sentiment de culpabilité et de stress d’être à l’origine de la contamination d’autres personnes…

Pour gérer ces vulnérabilités, le sommeil est un réel atout !

Pour éviter de tomber dans le piège des horaires postés, il faut se contraindre à dormir un minimum d’heures chaque jour. L’activité physique reste aussi une solution efficace. J’ai la chance aussi, via mon employeur qui est le CHRU de Lille, de pouvoir bénéficier de la formation manutention prodiguée par une équipe professionnelle, qui n’hésite pas à se déplacer dans les services si besoin, et qui nous rappelle régulièrement les gestes et postures à avoir pour éviter à nos corps de soignants parfois fatigués de trop s’abîmer.

Je terminerais en ajoutant que l’essentiel est de savoir raccrocher sa blouse une fois sa journée terminée, et de se ressourcer dès que possible, chacun à sa façon… »